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EN ATTENDANT MERMOZ par Pierre Peyrichout

Les déménagements ont ceci de merveilleux, est qu’ils permettent de retrouver des objets que l’on croyait perdus à jamais. Ainsi en est-il de la première édition chez Flammarion du livre «Mes vols», égaré dans le tréfonds de mes bibliothèques depuis au moins le début des années quatre-vingts.

J’ai donc relu Mes vols.

Ce livre à la sobre couverture verdâtre qui représente sur deux-tiers de hauteur un océan tumultueux puis un ciel qui l’est tout autant est merveilleux. Je dirais même que sa lecture est nécessaire pour tout fanatique de l’aviation qui se respecte. S’il porte comme auteur Jean Mermoz, il a été écrit après sa mort par Joseph Kessel – qui n’était pas encore élu à l’Académie Française – en qui l’Archange voyait le seul écrivain capable d’évoquer sa vie et son travail. Gageure supplémentaire, la plume est à la fois vivante et étincelante, ce qui est la marque du grand écrivain.

Ce livre avait été acheté par mon père à Limoges le 20 juin 1937, date de la sortie en librairies de l’ouvrage. Je devais avoir douze ans, lors de la première lecture et vous imaginez l’émotion ressentie alors. Cela ne faisait que vingt-cinq ans que Mermoz avait disparu. Avec l’âge qui passe, je mesure aujourd’hui qu’un quart de siècle n’est rien dans une vie. Je mesure surtout les progrès accomplis depuis.

Lire cet ouvrage est plus que nécessaire, c’est obligatoire.

Anecdote : ce livre est pour moi particulier pour avoir été dédicacé le 15 août 1981 par Jean Dabry (cf photos ci-jointes) unique survivant des traversées sur l’Atlantique sud, et de plus, membre de l’équipage du Laté 28 Comte de la Vaulx, avec Mermoz et Léon Gimié, lors de la première traversée historique de Saint-Louis du Sénégal à Natal, les 12 et 13 mai 1930.

Vous comprenez pourquoi désormais, plus aucun déménagement ne m’en séparera.

Pierre PEYRICHOUT


Jean Mermoz disparait le 7 décembre 1936

Jean Mermoz (Collection Jean Bétrancourt)

Jean MERMOZ est né le 9 décembre 1901, à Aubenton (Aisne).
  • En 1920, s’engage dans l’aviation
  • En 1921, il est breveté pilote civil
  • En 1926, il entre comme pilote chez Latécoère
  • En octobre 1927, il vole de Toulouse à Saint-Louis sans escale
  • En décembre 1927, il est nommé chef-pilote de l’Aéropostale à Buenos Aires
  • En 1929, il passe la Cordillère des Andes, puis établit la ligne Mendoza – Santiago du Chili
  • Le 12 mai1930, il franchi l’Atlantique à bord du Comte-de-la-Vaulx, réussissant par la même occasion la1re liaison aéropostale entre la France et l’Amérique du Sud
  • En janvier 1933, il effectue la traversée  de l’Atlantique sud en 14 h, sur l’Arc-en-Ciel construit par René Couzinet (voir escales du vol retour à Casablanca et Toulouse-Francazal)
  • En mars 1933, lors de la naissance d’Air France, il est nommé chef-pilote de cette Cie pour la ligne France-Amérique du Sud
  • En 1934 il effectue des liaisons régulières dans chaque sens et le 7 décembre 1936 à 10 h 47, à sa 24 e traversée, il transmet cet ultime message : Coupons moteur arrière droit
Le Gouvernement de la République française le citera à l’ordre de la Nation :
Mermoz Jean, commandeur de la Légion d’Honneur, Inspecteur général de la Compagnie Air France
« Sublime figure d’aviateur d’un valeur morale et professionnelle hors pair. Créateur aux prix d’efforts surhumains, de l’aviation commerciale transocéanique a fait de son nom un symbole et de sa carrière une longue suite d’exploits.
Allant jusqu’au bout de toute entreprise, envisageant la mort avec sérénité, a mérité l’admiration générale par la grandeur de ses actes.
Porté disparu avec l’équipage de la Croix-du-Sud, dont il était le chef de bord.
Accomplissait sa 24 traversée de l’Atlantique sur la ligne postale qu’il avait été le premier à tracer.
Entre de plain-pied dans  la légende et s’inscrit parmi les héros les plus purs de l’aviation française.
8.200 heures de vol »
Fait à Paris le 15 décembre 1936
Le Ministre de l’Air : Pierre Cot.

L’Arc en Ciel à Casablanca en 1933

Arrivé de l'arc en ciel à Casablanca
Arc-en-Ciel à Casablanca le 19 mai 1933 (collection privée Marie-Aline Perrin)

Merci à Marie-Aline Perrin qui m’a envoyé ces photos historiques de l’Arc-en-Ciel en escale à Casablanca prises par le photographe professionnel Marcelin Flandrin dont l’atelier « Photo Flandrin Casablanca » se trouvait 128 rue Gay Lussac.

Ce trimoteur  de 30 mètres d’envergure à l’allure élancé équipé de 3 moteurs Hispano-Suiza de 650 Cv fait partie des engins mythiques qui ont marqué l’histoire de l’aviation. Le 16 janvier 1933, piloté par Jean Mermoz et accompagné par René Couzinet lui-même, le Couzinet 70 (immatriculé F-AMBV) bat le record de la traversée l’Atlantique Sud entre Saint-Louis-du-Sénégal et Natal en 14h27 pour 3200 km soit une moyenne de 221 km/h. La deuxième traversée de l’Atlantique sud vers Dakar à lieu le 15 mai,  le vol retour vers la France s’effectue du 16 mai au 21 mai avec les escales suivantes Saint-Louis, Cap Juby, Casablanca, Toulouse-Francazal (voir précédent article : http://www.passionpourlaviation.fr/2014/07/25/larc-en-ciel-a-toulouse-francazal-en-1933/) et enfin Paris. L’arrivée au Bourget  devant 15 000 personnes est triomphale.

ARc en ciel moteur central arrété
Arc-en-Ciel à Casablanca moteur central arrêté, le 19 mai 1933 (collection privée Marie-Aline Perrin)

Le 19 mai 1933, Le Couzinet 70 Arc-en-Ciel en provenance de Cap-Juby fait escale à Casablanca. René Couzinet témoigne de leur départ le matin de très bonne heure :  « Dans le sable de la plage, Mermoz lance l’Arc-en-Ciel vers la mer. A quelques mètres des vagues, il décolle. A ce moment précis le moteur central, à la suite d’un faux contact, s’arrête net. C’est l’écrasement irrémédiable au bord de l’eau. Non, Mermoz « rend la main » à un mètre au- dessus de l’écume, demande à l’avion un effort désespéré, prend deux mètres de hauteur, rend de nouveau la main, reprend cinq mètres. Les deux moteurs latéraux tirent éperdument. Quand Collenot réussit à remettre en marche le moteur central, l’avion est déjà hors de danger. Quatre heures après, nous sommes à Casablanca, et le Maroc nous accueille avec un élan émouvant. »

Arc en ciel à Casablanca
Arc-en-Ciel à Casablanca le 19 mai 1933 (collection privée Marie-Aline Perrin)

Sur cette photo, j’ai cru un certain temps qu c’était Jean Mermoz qui saluait la dame au chapeau, mais il semble que ce soit plutôt Pierre Carretier, le second pilote (reconnaissable à sa cicatrice à la joue), qui au 1er plan salue la dame en blanc. Avec son mouchoir à la main et ses cheveux en bataille, il s’agit de Jean Manuel, le radio.  Le mécanicien Alexandre Collenot, qui portait sur ce vol une cote de travail semble absent du cliché tout comme, le navigateur Mailloux sans doute encore dans l’avion occupé à préparer le vol du lendemain vers Toulouse-Francazal , Il manque aussi la septième personne présente sur ce vol, le journaliste du Matin Paul Bringuier qui raconte la traversée puis le vol retour vers Paris dans les numéro du 24, 25 26 et 27 mai 1933 qu’on trouve sur BNF Gallica

Arc en ciel au Parking
Arc-en-Ciel à Casablanca le 19 mai 1933 (collection privée Marie-Aline Perrin)

Le lendemain l’Arc-en-Ciel repart pour Toulouse-Francazal, son avant dernière étape avant Paris le Bourget. L’Arc-en-ciel, continua de voler à titre « expérimental » sur la ligne France-Amérique du Sud, jusqu’à réaliser sa 8e et dernière traversée en 1934. un autre exemplaire fut commandé par Air France mais ne vola jamais et fut vendu aux enchères en 1937.

Documents  consultés :


Exposition de photographies de la Donation Couzinet à La Roche-sur-Yon 21 mai-31 août

René Couzinet et Jean Mermoz devant l’Arc-en-Ciel AMRY Donation René Couzinet
 L’aventure de l’« Arc-en-Ciel »
1928 – 1933

Exposition de photographies de la donation Couzinet
21 mai – 31 août
La Roche-sur-Yon
Rue du vieux marché et place de la vieille horloge

René Couzinet est né le 20 juillet 1904 à Saint-Martin-des-Noyers.
En 1921, il entre à l’École des arts et métiers d’Angers dont il sort diplômé en 1924. Puis il fait Sup’Aéro et débute son service militaire au Bourget. C‘est à ce moment qu’il trace les plans de son premier avion qu’il baptise « Arc-en-Ciel ».
Le 7 mai 1928, l’« Arc-en-Ciel » décolle pour la première fois de l’aérodrome d’Orly lors d’un nouveau vol d’essai. L’appareil s’écrase sous les yeux de René Couzinet.
Le deuxième « Arc-en-Ciel » est détruit par un incendie en février 1930.
Le troisième « Arc-en-Ciel » est assemblé au début de 1932 et des vols d’essai ont lieu pendant l’année.
Enfin, le 7 janvier 1933, l’« Arc-en-Ciel » décolle du Bourget. Le 16 janvier l’appareil effectue la traversée de l’Atlantique Sud de Saint-Louis du Sénégal à Natal (Brésil) avec six personnes à bord (dont Mermoz, le pilote, et Couzinet, le constructeur).
Le 17 janvier, l’appareil se pose à Rio de Janeiro, puis le 22 à Buenos Aires. Une foule immense acclame l’équipage.
Le 21 mai, l’appareil est de retour au Bourget. L’exploit est salué par le public et la presse internationale.
Du 21 mai au 31 août – Exposition rue du vieux marché et place de la vieille horloge.
La Maison Renaissance est ouverte du lundi au samedi de 15 h à 18 h, en juillet et en août, sur rendez-vous pour les autres périodes.
Ouverture exceptionnelle de la maison Renaissance les 24 et 25 mai de 10 h à 18 h.
La Ville de La Roche-sur-Yon est dépositaire depuis 1985 de la donation Couzinet, constituée des archives de l’entreprise Avions René Couzinet et d’objets et de photographies présentés à la maison Renaissance (salle René Couzinet, au 1er étage).
Contact : 
service Histoire, archives, patrimoine – 02 51 47 48 27

Mermoz et le LATÉ 25 F-AIEH en Argentine

LATE 25 F-AIEH du Musée National de l’Aéronautique à Moron en Argentine ©Serge Delabarde
Je remercie Serge Delabarde (http://terra-incognita.over-blog.fr/) de m’avoir envoyé la photo de ce Laté 25 F-AIEH (cn603) exposé au « Muséo Nacional de Aéronautica » à Moron près de Buenos Aires  qui reste le seul exemplaire de Laté 25 existant au monde, restauré grâce à la volonté de passionnés argentins. Le Laté 25 est un Monoplan à aile parasol pourvu d’une cabine fermée pour 4 passagers et d’un poste de pilotage torpédo, il a été construit à 61 exemplaires, dont 16 machines ont été acquises par l’Argentine et 4 par le Brésil. C’est un des avions mythiques de la Ligne et certainement celui qui symbolise le plus la partie sud-américaine. Mis en service de 1927 à 1929, il contribua au succès de l’Aéropostale grâce à sa robustesse qui le rendit fiable et résistant à des conditions extrêmes. À la fin de l’aventure de la ligne, le gouvernement argentin racheta la plupart de ceux en service et continua à les exploiter jusqu’en 1939.
C’est avec cet avion   que Jean Mermoz et son mécanicien Alexandre Collenot durent se poser en catastrophe sur un plateau à 4200 mètres dans la cordillère des Andes en voulant explorer la route du nord par Copiapo entre Santiago du Chili et Buenos Aires en Argentine. Mermoz et Collenot décollent de Santiago et cherchent un passage dans cette barrière montagneuse. L’avion plafonne à 4200 mètres,  alors que les cols les plus accessibles sont au minimum à 4500 mètres. Mermoz finit par trouver un courant ascendant le long des parois qui aspire littéralement le Laté 25, lui permettant de passer un col à 4500 m, mais il rencontre des forts vents rabattant sur l’autre versant. Le moteur à plein régime est insuffisant pour contrer ces courants violents, rapidement, il repère une plate-forme couverte de neige, coupe le contact, cabre son appareil au niveau du sol qui s’immobilise entre des pierres après de multiples chocs. L’avion est assez abîmé et devant l’importance des dégâts qui semblent à première vue irréparables, train d’atterrissage faussé, un pneu éclaté, la béquille de queue arrachée, des longerons brisés, Mermoz et Collenot tentent de rejoindre la vallée à pied. Devant les difficultés de la marche à entreprendre, ils renoncent et reviennent à l’avion pour tenter les réparations. Voici le récit fait par Mermoz: « trois jours et deux nuits à 4000 m d’altitude par 16 à 26 degrés sous zéro, mourants de faim (mon mécano ayant oublié les vivres de réserve), réparant notre train d’atterrissage très légèrement affaissé d’un côté et notre empennage un peu arraché sur un rebord de rochers. Conduites d’eau éclatées par le froid. Réparations faites avec du chatterton, des bandes de toile et de l’émaillite. Décollage après 3 km de bonds par dessus trois ravins. Plafond de l’appareil maximum 4500 m. Régime plein moteur 1580 tours soit 330 CV. J’avais repéré à l’avance les endroits où je devais toucher les roues pour faire les bonds prévus. Tout s’est bien passé et lh40 après j’atterrissais à Copiapo, mon point de départ.
Trois jours après, je repartais pour Santiago puis, franchissant la Cordillère, je ramenais l’appareil à son point de départ… « 

Sources des informations :