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Vol Air France Paris-Marseille en 1937

Potez 62 F-ANPI  » Cigogne » d’Air France ed Godneff (collection privée Xavier Cotton)

Voici les impression du docteur Robert Delabost sur son vol de Paris à Marseille avec un Potez 62 d’Air France en 1937. Ce témoignage est paru dans la « Revue de l’Aéroclub de Normandie » (trimestrielle) d’août 1937. Air France est alors une toute jeune compagnie aérienne puisque fondée en 1933.

« Notre vice président fondateur de l’Aéro-Club, Robert Delabost, ayant le 13 mai dernier, employé l’avion de la ligne « Air-France » pour un déplacement dans le midi, a bien voulu donner à notre trésorier (Jean Bétrancourt, ndlr), et à l’attention de nos membres, ses impressions sur ce voyage.

Collection Alain Bétrancourt

Oui, mon cher trésorier, comme je l’avais projeté depuis longtemps, je viens de faire le voyage de Paris à Marseille par le service d »Air-France » sept cents kilomètres à …… vol d’oiseau, en trois heures un quart et deux demies heures d’auto.
C’est un rêve en comparaison avec la longue et fatigante nuit que l’on doit passer en chemin de fer pour effectuer le trajet, et c’est une joie pour un « vieux de l’air ».

Mais comment est-on admis à faire le voyage ?….

C’est bien simple : on consulte à la gare, dans les agences de voyage ou à l’aéroclub, un horaire d' »Air-France » et l’on retient, par lettre ou par téléphone, sa place à bord de l’avion, de préférence quelques jours à l’avance, au Bureau de cette Compagnie Aérienne, 2, rue Scribe, à Paris : On paie 630 francs à ce Bureau qui vous indique l’heure du départ de l’autobus spécial qui part du Bureau d' »Air-France » 116, rue Lafayette et vous conduit à l’aérodrome du Bourget. c’est dans ce Bureau que l’on vous remet les billets et que l’on vous prends tous vos bagages et votre appareil photographique. ceux ci vous seront remis à votre arrivée à Marseille.

Et c’est les mains libres que l’on monte dans l’autobus rapide qui vous attend, et on a juste le temps de traverser les interminables couloirs de la nouvelle gare pour arriver dans la salle d’attente et sur l’aire de départ de l’avion. À moins qu’une averse d’importance, comme celle qui tomba alors, ne retarde l’envolée de dix minutes par mesure de prudence.

Embarquement à bord d’un POTEZ 62 d’Air France Sur la ligne Paris-Bordeaux ©Jacques Hémet

On se hâte alors vers un superbe bi-moteur « Potez 62 », qui vous attend en face, à cinquante mètres : on monte à tour de rôle les marches d’un escabeau et l’on s’installe à son grès sur les fauteuils libres de la carlingue, absolument comme dans un wagon.

Les moteurs sont chauds, le pilote et le radio-gonio sont à leur poste, le steward s’assure que les douze voyageurs (dont onze anglais) sont à leur place, la porte est claquée, les moteurs ronflent plus fort et l’on décolle.

  Et le confort à bord ?….

Parfait. Les sièges, très souples, se moulent au corps, et le dossier, bien incliné, vous donne une impression si agréable que de tout le trajet, je n’ai vu aucun voyageur le quitter pour se délasser comme on le fait volontiers dans le chemin de fer. Une grande glace vous permet de voir aisément la terre en restant confortablement assis. Au dessus de la glace, un petit ventilateur réglable vous envoie un courant d’air frais très agréable sur la figure, car l’air de la carlingue est aussi calme et chaud que celui d’un compartiment de chemin de fer ; au dessous de la glace, une pochette contient trois petits sacs de papier résistant pour recevoir, au besoin, les résultats du mal de l’air.

Aménagement de la cabine d’un Potez 62 ©Photo constructeur via Jacques Moulin

Il y a très peu de vibrations et l’on peut écrire ses mémoires d’un écriture à peine tremblée.

Le steward vous remet bientôt un petit sachet de papier contenant du coton pour mettre dans les oreilles : mais le bruit des moteurs n’est pas très fort puisque l’on peut se parler et se comprendre à cinquante centimètres en élevant un peu la voix, et l’on ne tarde pas à se passer du bouchon de coton : quelques minutes après le départ, le steward vous distribue des bonbons. Le geste est délicat, mais aussi il est utile, car ce sont des pastilles de chewing-gum, que l’on suce pendant tout le trajet pour aider la pénétrations ou la sortie de l’air dans la caisse du tympan et éviter bourdonnements ou douleurs aux changements d’altitude.

Potez 62 F-ANPG ©Photo constructeur via Jacques Moulin

        

Et maintenant pourriez vous nous donner quelques impressions de voyage ?….

Bien volontiers. Au départ, on s’élève sur cette banlieue Nord-Est de Paris dont les maisons banales et les usines ne tardent pas à paraître bien petites ; puis, dans la brume qui suit la pluie d’orage, on devine Paris et sa tour Eiffel. Un ruban lamé d’argent, c’est la Seine ; puis un autre tortueux, c’est la Marne. Un troisième plus étroit apparait, c’est l’Yères (en réalité c’est l’Yerres dans l’Essonne à ne pas confondre avec l’Yères petit fleuve côtier de Seine-Maritime, ndlr). On vole encore sous les volutes noires d’un ciel orageux. Puis, c’est le brouillard : on traverse les nuages. Le soleil apparait alors éblouissant dans un ciel bleu, et aussitôt, on survole les moutons dorés, à perte de vue, de la mer de nuages. On est à 1,600 ou 1,800 mètres. Le spectacle est merveilleux.

De temps en temps,par une trouée noire, on voit la terre. Elle est bien sombre et bien vilaine, par comparaison, la terre.

Après trois quarts d’heure environ, petit à petit, le sol apparait à travers la brume, de plus en plus net ; mais ce n’est pas la terre de chez nous ; les champs sont petits et en forme de polygones irréguliers. À dix kilomètres environ sur la droite, on longe un long ruban argenté, c’est la Loire, dont nous remontons la vallée : nous survolons Chateau-Chinon. Un quart d’heure se passe et nous voyons un pays tout plein de flaques d’eau : le Nivernais.

Potez 62 F-AOUA à Lyon-Bron ©SLHADA

Puis nous tombons dans deux ou trois tous d’air causés par la traversée des Monts du Lyonnais et quelques minutes après, nous longeons la Saône, et nous sommes en vue du Rhône et son confluent. On est déjà sur Lyon, qui ne parait pas très grand. Voilées par une légère brume, on distingue Notre-Dame-de-Fourvières, la place Bellecour et la gare Perrache.

Mais tout cela s’enfuit rapidement, car l’avion va vite ; on se rapproche du sol, la terre tourne encore, et l’on roule sur le terrain de Bron. Cinq minutes d’arrêt, tout juste le temps de prendre un café trop chaud, et l’on court à l’avion qui s’envole.

Puis nous voyageons dans l’air limpide et chaud de la vallée du Rhône, à quelques 20 kilomètres de sa rive gauche. Les Alpes neigeuses sont toutes dorées par le soleil ; on reconnait le Massif du Mont-Blanc, puis celui du Pelvoux

Plus loin, on rase de près le Ventoux aux pentes pierreuses. On survole des fleuves de sable : C’est l’Isère, la Drôme et la Durance. Sur la droite, on distingue le Massif Central couvert d’orages éclairés par les lueurs rouges feux du soleil. le spectacle est passionnant de tous côtés… Et, tout d’un coup, on a l’agréable surprise de découvrir l’Étang de Berre, avec ses réservoirs de pétroles, ses deux terrains d’aviation et, plus loin, la belle mer bleue.

On cherche à s’orienter, mais la terre se met à danser une sarabande effrénée ; tout tourne devant les yeux et l’avion roule sur le terrain de Marignane.

À l’arrêt, seul je descends ; les onze autres voyageurs, Les Anglais, restent dans le Potez, qui repart aussitôt pour Cannes.

Dix minutes après, j’étais invité à monter dans un vieux tacot d' »Air-France », qui par des chemins invraisemblables, me conduit, avec un bruit de ferraille, vers la banlieue de Marseille, plus bruyante encore et plus grouillante, où l’on ne peut avancer qu’à grands coups d’une trompette sonore.

À trois heures, j’avais quitté la rue Lafayette, et à sept heures, j’étais sur la Cannebière, frais et dispos. C’est au bureau d' »Air-France » que mes bagages et mon appareil photographique me furent rendus.

Potez 62 F-ANPH ©Photo constructeur via Jacques Moulin

Et pour conclure ?……

Voyage beaucoup plus court, plus beau et moins fatigant qu’en Chemin de fer. À peine plus coûteux, si l’on tient compte qu’à l’arrivée on n’éprouve pas le besoin de perdre du temps pour se reposer.
Le Danger ? Infiniment moindre que dans les promenades en autocar dans les montagnes niçoises ou sur les corniches en bordure de la mer.
Enfin, c’est un agrément, et c’est aussi un devoir pour chacun de contribuer au développement de notre aviation en s’en servant, comme savent s’en servir…… les Anglais.

Sources des Informations et Documentations :
Alain Bétrancourt
Photos constructeur via Jacques Moulin
Revue de l’Aéroclub de Normandie août 1937
Société Lyonnaise d’Histoire de L’Aviation et de Documentation Aéronautique : http://www.slhada.fr/


Bureau de l’Aéroclub de Normandie en 1932

Bureau_de_Aeroclub_de_Normandie_1932

Bureau de l’aéroclub de Normandie 1932 ©Bétrancourt

Nous en savons maintenant un peu plus sur l’origine de cette photo faisant partie des album de Jean Bétrancourt  qui fut vice-président de l’Aéroclub de Normandie et qu’Alain Bétrancourt, son petit fils a la gentillesse de nous faire partager.

L'air 12-1932©Michel Barrière

L’air 12-1932©Michel Barrière

Il y a 80 ans, elle fut publiée dans le numéro spécial paru en décembre 1932 de la revue mensuelle « l’Air » ,  édité pour le 13ème Salon international de l’Aéronautique de 1932 à Paris. Ce gros numéro spécial comprend un « chapitre » sur l’aviation privée avec une liste de très brèves monographies des principaux aéro-clubs et une ou deux photos des présidents ou fondateurs. Le grand format de la revue est la raison de l’image tronquée de la couverture. Voici l’article concernant l’Aéroclub de Normandie :

« Il y a deux ans (1930) Rouen ne possédait ni terrain, ni aménagements d’aucune sorte au point de vue aérien. aujourd’hui, l’Aéro-club de Normandie possède un FARMAN 200 triplace (F-ALPF), pour les baptêmes de l’air; un Farman 234 (F-ARLV) pour les rallyes; six avions privés, garés dans les installations édifiés par les soins du club sur l’aérodrome du Madrillet.
Depuis le 1er janvier jusqu’au 30 septembre 1932, 884 heures 30 de vol ont été totalisées par les trois avions du club avec 1753 atterrissages. Dix-neuf élèves ont été brevetés. Si l’on ajoute les heures de vols des avions privés on dépasse 2000 heures. Le nombre des baptêmes s’élève à 1917. Dans le tour de France de l’Union des Pilotes Civil l’équipage composé de (Jean) Bétrancourt et (Émile) Antérion a fini premier ex æquo. (Jean) Horlaville se classa dixième sur trente dans le Rallye d’Auvergne. Les avions ont participé à toutes les manifestations de la région. A la grande fête du 26 juin purent prendre part trente avions. »

legende_bureau_ACN_1932

On peut  d’ailleurs noter  quelques erreurs dans l’orthographe des noms, donc sont debout de gauche à droite :

Marcel LAIGNÉ trésorier adjoint, Émile ANTÉRION secrétaire adjoint, René CANO assesseur, Jean BÉTRANCOURT trésorier et Henri DUVAL,
et assis de gauche à droite :

Dr Robert DELABOST assesseur, René AUBIN Vice-président, Louis ANTIER président, Julien LUFBERY président d’honneur, Jean HORLAVILLE secrétaire général de l’Aéroclub de Normandie.

Les membres du bureau de L’aéroclub de Normandie posent dans le hangar de l’Aéroclub de Normandie au terrain de Rouen- Le Madrillet devant le CAUDRON 232 – F-AJZI qui sera détruit en 1934 dans un accident.

Caudron 232 F-AJZI de l'Aéroclub de Normandie en 1930 © Alain Bétrancourt

Caudron 232 F-AJZI de l’Aéroclub de Normandie en 1930 © Alain Bétrancourt

Jean Bétrancourt fut vainqueur du premier tour de France en compagnie d’Émile Antérion en 1932 et du second en 1933 avec Henri Duval sur le Farman 234 (F-ARLV)


Source des informations :
Alain Bétrancourt, petit fils de Jean Bétrancourt.
François-Xavier Bibert : http://www.bibert.fr/Joseph_Bibert_fichiers/BA%20122_Souvenirs_fichiers/Betrancourt.htm
Michel Léveillard
Pierre-François Mary
Michel Barriere : www.crezan.net