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Ex-Voto à Notre Dame de la Garde : Victor Mérentier

 

En visite à la basilique « Notre Dame de La Garde » qui domine Marseille je remarquais plusieurs ex-voto ayant pour thème l’aviation et en particulier celui ci-dessus signé « Mérentier VR » et peint en 1967 au sujet duquel je voulus en savoir plus. C’est grâce à l’aide des passionnés d’Aeroforum et en particulier  celle de Gérard Pourteau que j’ai pus retrouver sur gallica.bnf.fr l’article du Matin du 28 avril 1930 qui nous raconte l’événement suivant :
Chaque dimanche, la « Société pour le développement de l’aviation » dont les services sont établis à l’aérodrome du Bourget, organise des baptêmes de l’air et des promenades en avion au-dessus de Paris et de la banlieue.
Hier, vers 15 heures, un biplan appartenant à cette société, piloté par M. Victor Mortier, originaire de Marseille, effectuait une randonnée au-dessus de la capitale avec deux passagers, M. Charles Lamarque et M. Pierre Peuchaud.
L’appareil survolait la zone aux environs de la porte de la Chapelle à une altitude d’environ 1.500 mètres, lorsque se produisit une avarie du moteur.

Le Matin 28 avril 1930 @Gallica.bnf.fr/bibliothèque nationale de France

Le pilote chercha un terrain d’atterrissage, mais apercevant de nombreux promeneurs et pour éviter un accident grave, il se dirigea vers un champ, a proximité du cimetière de la Chapelle, à la Plaine Saint Denis.
Au moment où il survolait le cimetière, l’appareil heurta un arbre et vint s’écraser sur le sol.
De la carlingue brisée de l’avion, les témoins de l’accident retireront le pilote, légèrement blessé au visage et aux jambes, et les deux passagers qui, plus gravement atteint, furent transportés l’hôpital de Saint-Denis.
M. Charles Lamarque souffre de plaies à la face et de contusions à la tête. M. Pierre Peuchaud a la jambe droite fracturée et des contusions multiples
Le pilote demanda à être pansé sur place. Il nous à fait quelques instants plus tard le récit de son accident :
J’ai été victime, nous a-t-il dit, d’une « salade de bielles ». Cette avarie me laissait un champ d’action assez vaste, étant donné la grande altitude à laquelle je me trouvais à ce moment. J’ai pensé tout d’abord atterrir sur les fortifications, mais j’ai vu à temps que beaucoup de gens faisaient la sieste sur l’herbe. Je me suis donc dirigé vers un terrain de football situé non loin de là et je croyais pouvoir l’aborder entre une cheminée d’usine et un hangar, mais l’air n’était pas porteur et une dépression me fit perdre de la hauteur au moment où je survolais le cimetière. L’aile droite de l’appareil heurta un arbre et ce fut la chute brutale.
Je pus me dégager rapidement et avec l’aide du gardien et des personnes qui se trouvaient dans le cimetière, les deux passagers purent être retirés des débris.
C’est en quatorze ans de pilotage, le seul accident qui me soit arrivé.
M. Tino, commissaire de police de Saint-Denis Sud est venu procéder à une première en quête et l’appareil fut laissé sur place pour permettre l’expertise de techniciens.
Un service d’ordre envoyé par la préfecture de police a fait évacuer le cimetière dont les portes ont été fermées

Grâce à un texte sur les ex-voto de Notre Dame de la Garde de Felix Reynaud paru dans la revue « Marseille » parue en 1985, on apprend que le pilote marseillais Victor Mérentier (né en 1897) étai un as de l’aviation aux côtés de Mermoz et Saint-Exupéry. En 1982 il dépose  deux ex-voto , peints par lui-même, pour un accident dont il réchappa, en Rhénanie, le 28 avril 1923 et un autre, survenu au-dessus de Paris, le 27 avril 1930.

http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=12152280

Poursuivant mes recherches je trouve un article relatant l’accident dans l’édition du 28 avril 1930 du « Midi Socialiste » sur le site de la bibliothèque de Toulouse (http://www.bibliotheque.toulouse.fr)

Un avion s’abat sur Paris

SES TROIS OCCUPANTS SONT BLESSES
Paris, 27 avril. Cet après-midi vers 15 heures, un avion appartenant à une Compagnie privée et piloté par M. Victor Mérentier, originaire de Marseille, avait pris deux passagers pour effectuer des promenade sur Paris et sur la banlieue. Une panne de moteur se produisit bientôt, alors que l’avion volait à une altitude de 250 mètres. Jugeant le terrain du Bourget trop éloigné, le pilote voulut d’abord atterrir sur 1es fortifications, mais comme de nombreux promeneurs s’y trouvaient il décida de se rendre vers un petit champ situé près du cimetière de la Plaine-Saint-Denis. Mais il ne put arriver au but et l’avion s’abattit dans le cimetière. M. Mérentier fut retiré de l’avion avec des coupures au visage. Les deux passagers, M. Charles Lamarque, demeurant à Vincennes, et Pierre Peuchaud, demeurant à St Amans-le-Moreux, eurent des contusions aux jambes et des fractures légères au crâne. Ils ont été conduits à l’hôpital de Saint-Denis. Leur état ne paraît pas grave.

http://images.midi.bibliotheque.toulouse.fr/1930/B315556101_MIDSOC_1930_04_28.pdf

Malgré l’immatriculation presque complète je n’arrive pas pour l’instant à identifier cet avion  car le seul avion immatriculé F-AHEx ayant été la propriété de la « Société pour le développement de l’aviation » basée au Bourget est le Caudron C.128 F-AHEB dont la dérivé plus en triangle ne ressemble pas à celle de la peinture?
De plus le F-AHEB a appartenu en février 1935 à Robert Batton, Cormeilles-en-Parisis donc postérieurement à l’accident de 1930 qui semble irrémédiable pour l’avion. Si vous avez des idées ou des informations à m’apporter pour compléter l’article n’hésitez pas à me contacter : passiondesavions@orange.fr
 
Sources des informations :
Gérard Pourteau
Félix Reynaud : les Ex-Voto de Notre Dame de la Garde
Bibliothèque Nationale de France : http://gallica.bnf.fr/
Bibliothèque de Toulouse : http://www.bibliotheque.toulouse.fr/

Vol Air France Paris-Marseille en 1937

Potez 62 F-ANPI  » Cigogne » d’Air France ed Godneff (collection privée Xavier Cotton)

Voici les impression du docteur Robert Delabost sur son vol de Paris à Marseille avec un Potez 62 d’Air France en 1937. Ce témoignage est paru dans la « Revue de l’Aéroclub de Normandie » (trimestrielle) d’août 1937. Air France est alors une toute jeune compagnie aérienne puisque fondée en 1933.

« Notre vice président fondateur de l’Aéro-Club, Robert Delabost, ayant le 13 mai dernier, employé l’avion de la ligne « Air-France » pour un déplacement dans le midi, a bien voulu donner à notre trésorier (Jean Bétrancourt, ndlr), et à l’attention de nos membres, ses impressions sur ce voyage.

Collection Alain Bétrancourt

Oui, mon cher trésorier, comme je l’avais projeté depuis longtemps, je viens de faire le voyage de Paris à Marseille par le service d »Air-France » sept cents kilomètres à …… vol d’oiseau, en trois heures un quart et deux demies heures d’auto.
C’est un rêve en comparaison avec la longue et fatigante nuit que l’on doit passer en chemin de fer pour effectuer le trajet, et c’est une joie pour un « vieux de l’air ».

Mais comment est-on admis à faire le voyage ?….

C’est bien simple : on consulte à la gare, dans les agences de voyage ou à l’aéroclub, un horaire d' »Air-France » et l’on retient, par lettre ou par téléphone, sa place à bord de l’avion, de préférence quelques jours à l’avance, au Bureau de cette Compagnie Aérienne, 2, rue Scribe, à Paris : On paie 630 francs à ce Bureau qui vous indique l’heure du départ de l’autobus spécial qui part du Bureau d' »Air-France » 116, rue Lafayette et vous conduit à l’aérodrome du Bourget. c’est dans ce Bureau que l’on vous remet les billets et que l’on vous prends tous vos bagages et votre appareil photographique. ceux ci vous seront remis à votre arrivée à Marseille.

Et c’est les mains libres que l’on monte dans l’autobus rapide qui vous attend, et on a juste le temps de traverser les interminables couloirs de la nouvelle gare pour arriver dans la salle d’attente et sur l’aire de départ de l’avion. À moins qu’une averse d’importance, comme celle qui tomba alors, ne retarde l’envolée de dix minutes par mesure de prudence.

Embarquement à bord d’un POTEZ 62 d’Air France Sur la ligne Paris-Bordeaux ©Jacques Hémet

On se hâte alors vers un superbe bi-moteur « Potez 62 », qui vous attend en face, à cinquante mètres : on monte à tour de rôle les marches d’un escabeau et l’on s’installe à son grès sur les fauteuils libres de la carlingue, absolument comme dans un wagon.

Les moteurs sont chauds, le pilote et le radio-gonio sont à leur poste, le steward s’assure que les douze voyageurs (dont onze anglais) sont à leur place, la porte est claquée, les moteurs ronflent plus fort et l’on décolle.

  Et le confort à bord ?….

Parfait. Les sièges, très souples, se moulent au corps, et le dossier, bien incliné, vous donne une impression si agréable que de tout le trajet, je n’ai vu aucun voyageur le quitter pour se délasser comme on le fait volontiers dans le chemin de fer. Une grande glace vous permet de voir aisément la terre en restant confortablement assis. Au dessus de la glace, un petit ventilateur réglable vous envoie un courant d’air frais très agréable sur la figure, car l’air de la carlingue est aussi calme et chaud que celui d’un compartiment de chemin de fer ; au dessous de la glace, une pochette contient trois petits sacs de papier résistant pour recevoir, au besoin, les résultats du mal de l’air.

Aménagement de la cabine d’un Potez 62 ©Photo constructeur via Jacques Moulin

Il y a très peu de vibrations et l’on peut écrire ses mémoires d’un écriture à peine tremblée.

Le steward vous remet bientôt un petit sachet de papier contenant du coton pour mettre dans les oreilles : mais le bruit des moteurs n’est pas très fort puisque l’on peut se parler et se comprendre à cinquante centimètres en élevant un peu la voix, et l’on ne tarde pas à se passer du bouchon de coton : quelques minutes après le départ, le steward vous distribue des bonbons. Le geste est délicat, mais aussi il est utile, car ce sont des pastilles de chewing-gum, que l’on suce pendant tout le trajet pour aider la pénétrations ou la sortie de l’air dans la caisse du tympan et éviter bourdonnements ou douleurs aux changements d’altitude.

Potez 62 F-ANPG ©Photo constructeur via Jacques Moulin

        

Et maintenant pourriez vous nous donner quelques impressions de voyage ?….

Bien volontiers. Au départ, on s’élève sur cette banlieue Nord-Est de Paris dont les maisons banales et les usines ne tardent pas à paraître bien petites ; puis, dans la brume qui suit la pluie d’orage, on devine Paris et sa tour Eiffel. Un ruban lamé d’argent, c’est la Seine ; puis un autre tortueux, c’est la Marne. Un troisième plus étroit apparait, c’est l’Yères (en réalité c’est l’Yerres dans l’Essonne à ne pas confondre avec l’Yères petit fleuve côtier de Seine-Maritime, ndlr). On vole encore sous les volutes noires d’un ciel orageux. Puis, c’est le brouillard : on traverse les nuages. Le soleil apparait alors éblouissant dans un ciel bleu, et aussitôt, on survole les moutons dorés, à perte de vue, de la mer de nuages. On est à 1,600 ou 1,800 mètres. Le spectacle est merveilleux.

De temps en temps,par une trouée noire, on voit la terre. Elle est bien sombre et bien vilaine, par comparaison, la terre.

Après trois quarts d’heure environ, petit à petit, le sol apparait à travers la brume, de plus en plus net ; mais ce n’est pas la terre de chez nous ; les champs sont petits et en forme de polygones irréguliers. À dix kilomètres environ sur la droite, on longe un long ruban argenté, c’est la Loire, dont nous remontons la vallée : nous survolons Chateau-Chinon. Un quart d’heure se passe et nous voyons un pays tout plein de flaques d’eau : le Nivernais.

Potez 62 F-AOUA à Lyon-Bron ©SLHADA

Puis nous tombons dans deux ou trois tous d’air causés par la traversée des Monts du Lyonnais et quelques minutes après, nous longeons la Saône, et nous sommes en vue du Rhône et son confluent. On est déjà sur Lyon, qui ne parait pas très grand. Voilées par une légère brume, on distingue Notre-Dame-de-Fourvières, la place Bellecour et la gare Perrache.

Mais tout cela s’enfuit rapidement, car l’avion va vite ; on se rapproche du sol, la terre tourne encore, et l’on roule sur le terrain de Bron. Cinq minutes d’arrêt, tout juste le temps de prendre un café trop chaud, et l’on court à l’avion qui s’envole.

Puis nous voyageons dans l’air limpide et chaud de la vallée du Rhône, à quelques 20 kilomètres de sa rive gauche. Les Alpes neigeuses sont toutes dorées par le soleil ; on reconnait le Massif du Mont-Blanc, puis celui du Pelvoux

Plus loin, on rase de près le Ventoux aux pentes pierreuses. On survole des fleuves de sable : C’est l’Isère, la Drôme et la Durance. Sur la droite, on distingue le Massif Central couvert d’orages éclairés par les lueurs rouges feux du soleil. le spectacle est passionnant de tous côtés… Et, tout d’un coup, on a l’agréable surprise de découvrir l’Étang de Berre, avec ses réservoirs de pétroles, ses deux terrains d’aviation et, plus loin, la belle mer bleue.

On cherche à s’orienter, mais la terre se met à danser une sarabande effrénée ; tout tourne devant les yeux et l’avion roule sur le terrain de Marignane.

À l’arrêt, seul je descends ; les onze autres voyageurs, Les Anglais, restent dans le Potez, qui repart aussitôt pour Cannes.

Dix minutes après, j’étais invité à monter dans un vieux tacot d' »Air-France », qui par des chemins invraisemblables, me conduit, avec un bruit de ferraille, vers la banlieue de Marseille, plus bruyante encore et plus grouillante, où l’on ne peut avancer qu’à grands coups d’une trompette sonore.

À trois heures, j’avais quitté la rue Lafayette, et à sept heures, j’étais sur la Cannebière, frais et dispos. C’est au bureau d' »Air-France » que mes bagages et mon appareil photographique me furent rendus.

Potez 62 F-ANPH ©Photo constructeur via Jacques Moulin

Et pour conclure ?……

Voyage beaucoup plus court, plus beau et moins fatigant qu’en Chemin de fer. À peine plus coûteux, si l’on tient compte qu’à l’arrivée on n’éprouve pas le besoin de perdre du temps pour se reposer.
Le Danger ? Infiniment moindre que dans les promenades en autocar dans les montagnes niçoises ou sur les corniches en bordure de la mer.
Enfin, c’est un agrément, et c’est aussi un devoir pour chacun de contribuer au développement de notre aviation en s’en servant, comme savent s’en servir…… les Anglais.

Sources des Informations et Documentations :
Alain Bétrancourt
Photos constructeur via Jacques Moulin
Revue de l’Aéroclub de Normandie août 1937
Société Lyonnaise d’Histoire de L’Aviation et de Documentation Aéronautique : http://www.slhada.fr/