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L’Europe à vol d’oiseau en 1937 par Daniel de Bergevin

Farman 402 F-ANFY à Budapest : Mme de Bergevin, un officiel hongrois, Jean Bétrancourt ©Alain Bétrancourt

Farman 402 F-ANFY à Budapest : Mme de Bergevin, un officiel hongrois, Jean Bétrancourt ©Alain Bétrancourt

  En 1937, le Farman 402 de l’aéroclub de Normandie a effectué un beau voyage en Europe Centrale et dans les Balkans.  Cet avion immatriculé F-ANFY  (67/7454) et baptisé « Charles Houbart était un triplace équipé d’un moteur Lorraine 5 Pb de 110 cv.
Piloté par Jean Bétrancourt qui avait comme passagers un journaliste du Journal de Rouen, Daniel de Bergevin et sa jeune femme, ils effectuèrent un périple de 4420 kilomètres en 30h16 de vol à la vitesse moyenne de 146 Km/h se posant sur des « terrains variés » sans le moindre incident mécanique, performance qui est tout à l’honneur du pilote et du matériel.
Parcours du Farman 402 F-ANFY à travers l'Europe en 1937 ©Alain Bétrancourt

Parcours du Farman 402 F-ANFY à travers l’Europe en 1937 ©Alain Bétrancourt

Bulletin trimestriel ACN Aout 1937 ©Alain Bétrancourt

Bulletin trimestriel ACN Aout 1937 ©Alain Bétrancourt

 

  Voici le récit du voyage que Daniel Bergevin a écrit pour la revue de l’Aéroclub de Normandie de 1937 :

Ce n’est pas aux lecteurs de ce Bulletin dont il est l’animateur qu’il faut présenter Jean Bétrancourt : chacun d’eux connait sa passion pour l’aviation qu’il sert au sein de l’Aéroclub de Normandie, avec un dévouement de tous les instants.
Aussi bien, n’ai je point l’intention de rappeler longuement ses qualités de pilote complet et de navigateur hors de pair que je connaissais déjà,avant de les apprécier par moi-même, comme ami d’un frère ainé qui suit avec une clairvoyante affection, les exploits aéronautiques de son cadet.

Mon but est, tout simplement de rappeler en quelques lignes — l’ayant fait ailleurs de façon beaucoup plus complète — le beau voyage en Europe Centrale et dans les Balkans que, tous trois : Bétrancourt, ma femme et moi, venons de faire.

Faut-il vous dire tout d’abord le »pourquoi » de notre vol vers Sofia ?

Un beau jour — qui, d’ailleurs, était fort sombre puisque minuit était sonné depuis deux heures seulement, — Bétrancourt fit une entrée sensationnelle, comme toujours, dans la rédaction où mes camarades et moi préparions la dernière édition de la nuit : il venait tout simplement me proposer de faire, avec lui, un reportage aérien, le Tour de France en une seule journée.
La performance , sans être absolument nouvelle,n’eut point manqué d’intérêt au strict point de vue aérien ; mais au point de vue journalistique, sa valeur était beaucoup moins grande.

Je refusais donc, mais usant d’une arme que tous les diplomates connaissent et emploient, je fis aussitôt une contre-proposition : « Rien à faire pour le Tour de France, mais j’envisage actuellement avec ma Direction une enquête  dans les Balkan , si tu veux me conduire à Sofia, je suis à ta disposition « .

« Pourquoi pas ? me répondit Jean : passe-moi un atlas… »

Et sans plus tarder, nous mîmes à étudier la carte.

Il faut rendre cette justice au brillant pilote de l’Aéro-club que s’il aime les voyages, il les voit avant tout sous l’angle de l’aviation : pour lui, voyager c’est voler. Pour moi au contraire, si j’adore faire de l’avion c’est, surtout parce que celui-ci permet de voir dans un temps donné, beaucoup plus de pays que tout autre moyen de transport ; sans compter que s’il s’agit de traverser la mer, j’ai des raisons personnelles…de préférer la voie aérienne à la maritime !

Bref nous fûmes rapidement et quinze jours plus tard, les multiples formalités nécessaires ayant été remplies et le cap mis sur les cartes par les soins éclairés de M. Ledeuil du Service de Navigation d’Air-France qui, aimablement, s’était mis à notre disposition, nous décollions, Bétrancourt, ma femme et moi, pour les Balkans.

*******

Pour quelqu’un qui, de même que votre serviteur, appartient depuis une quinzaine d’année à la grande famille aéronautique en la qualité éminemment honorable de «  sac de sable », deux soucis préalables se présentent avant de commencer un voyage  : le choix du pilote d’abord, celui de l’avion ensuite.

Je parle bien entendu « aviation » et non pas « transport ».

Il est évident, en effet, que le monsieur pressé qui veut aller à Londres, à Bruxelles, à Alger n’a point de ces soucis : il prend la ligne, tout simplement,comme un autre emprunte le Chemin de fer ou le bateau certain qu’il est d’avoir un matériel de premier ordre, des pilotes confirmés auxquels est adjointe l’aide précieuse d’une radio, une route balisée où les risques d’erreur de parcours ou de collision sont infiniment plus réduits que sur nos routes nationales.

Mais quand on fait de l’aviation de tourisme — ou même quand on monte dans un avion militaire, —le problème se présente de tout autre façon.

Il m’est arrivé maintes fois de grimper dans l’avion d’un camarade avec une certaine appréhension que seul le respect humain et le désir ridicule de « ne pas me dégonfler » me permettant de braver : bien souvent, en effet,l’avion était déglingué et le pilote inexpérimenté.

Mais l’Aéro-Club de Normandie ne se contente pas d’avoir de fins pilotes : il possède également d’excellents « zincs » au premier rang desquels il convient de placer le Farman 402, 1110 CV Lorraine, triplace, dont le rayon d’action — 750 kilomètres environ — permet de faire du grand tourisme sans risque de panne sèche en campagne.

J’avais déjà expérimenté l’appareil au cours de quelques vols aux environs du terrain du Madrillet et pu apprécier ses qualités : une révision sévère effectuée par le chef-pilote Jacquemart avec sa conscience habituelle ma garantissait que le coucou était au point : comment, dans ces conditions, aurais je avoir le moindre doute sur la réussite du reportage-express que j’allais entreprendre ?

Plan de vol pour Nuremberg ©Alain Bétrancourt

Plan de vol pour Nuremberg ©Alain Bétrancourt

Quatre atterrissages, 1020 kilomètres, 6H45 de vol : tel fut le bilan de notre première journée de voyage.
Jusqu’à Strasbourg, la navigation fut sans histoire… et sans histoires : le temps magnifique, le plafond élevé, le vent nul nous permirent de suivre unc ap impeccable, une ligne droite idéale jusqu’à Nancy, où les interdictions de survol nous obligèrent, pour atteindre Strasbourg, à faire un léger détour.

Dans la capitale alsacienne, sur le terrain d’Eintzheim, nous faisons connaissances avec les premières formalités policières et douanières : il nous faut sortir les passeports, le livre de bord, le triptyque, lld carnet de pilote,, faire plomber l’appareil photo. Promu officier fourrier, je m’explique avec les services de l’aéroport, cependant que Bétrancourt s’occupe du plein d’essence et d’huile et que ma femme fait l’admiration du douanier «  qui ne comprend pas qu’une dame ose monter sans parachute  dans un si petit appareil pour aller si loin »

Ma femme riait encore du pessimisme douanier quand nous survolons, un quart d’heure après, le pont de Khel, ce rire était un peu moins franc quand arrivèrent les premières pentes de la forêt Noire.
Il y’a une quinzaine d’années, on ne l’a pas oublié, la traversée de ce massif montagneux n’était pas sans danger et, en 1919, si mes souvenirs sont exacts, un avion français,parti pour tenter de battre le record du monde de distance en ligne droite s’écrasa sur les sapins : l’un des pilote fut tué, l’autre, qui s’appelait Le Brix, si je ne me tromper, s’en tira avec des blessures assez graves qui ne l’empêchèrent point par la suite de devenir une de nos gloires aérienne avant de trouver,lui aussi, une mort tragique au   service de nos ailes.

Si avec les avions dont nous disposons aujourd’hui le survol de la Forêt Noire est devenu aisé, remous et trous d’air ne s’y font pas moins sentir et, au passage, nous sommes fortement chahutés. À 1500 mètres, nous survolons ensuite Stuttgart et nous passons à la verticale du stade qui vit, quelques semaines auparavant, le match de football  France-Allemagne.

La chaleur s’accentue et, bien que le massif soit passé, les trous d’air demeurent fréquents et désagréables : il est vrai qu’il est une heure de l’après-midi et que le soleil tape dur.

Voici enfin, Nuremberg dont nous cherchons un instant le terrain qui aéré déplacé trois années auparavant, mais notre carte ne fait pas mention de ce changement, ce qui nous oblige à « tâtonner » avant de le repérer.

Sur cet aérodrome inconnu — qui porte le nom de Max Buller, as de guerre allemand, tué en 1918 — Jean fait un atterrissage impeccable, un véritable atterrissage de piste, comme d’ailleurs ils le seront tous au cours du voyage qui n’en comporte pas moins de quine.

Au cours du déjeuner, nous admirons les évolutions gracieuses et hardies de Hanna Reichts, championne allemande de vol à voile, qui sur un planeur aux lignes neuves, évolue au-dessus du terrain.

A quatre heure de l’après-midi, nous voulons repartir, mais Bétrancourt s’aperçoit que contrairement à ses instructions, le mécanicien de l’aérodrome a fait le plein complet d’essence alors que, pour couvrir les 250 kilomètres qui nous séparent maintenant de Prague, nous aurions

pu nous contenter de beaucoup moins, Or, le temps est lourd, l’avion chargé, et le vent nous oblige à décoller face aux maisons qui bordent l’un des coté de l’aérodrome.

Enfin, nous n’avons pas le choix…. Nous prenons le terrain à son extrémité la plus lointaine, nous roulons plein gaz, l’avion court longtemps, puis décolle à cent mètres à peine des balise : nous survolons les maisons à vingt mètres seulement, mais nous passons

Avec la fin du jour, les remous de chaleur disparaissent et nous franchissons sans presque les apercevoir les Monts de Bohême qui marquent la frontière germano-tchécoslovaque ; nous survolons Pilsen  et les célèbres usines Skoda où, en 1916, fut construite la Grosse Bertha qui bombarda Paris. Enfin, dans un ébrasement de soleil, Prague nous apparaît majestueuse et splendide, assise aux pieds de son château et de sa cathédrale.

Quand nous att

Plan de vol pour Pragues ©Alain Bétrancourt

Plan de vol pour Pragues ©Alain Bétrancourt

errissons sur le nouvel aérodrome, dont les bâtiments sont encore inachevés mais qui est vaste et bien dégagé, il est près de six heures du soir : notre moyenne horaire de vol est jusqu’alors de 151 kilomètres.

Prague – Vienne – Budapest

Le programme de la seconde journée est moins chargé que celui de la première : nous avons en, en effet,l’intention de déjeuner et de passer l’après-midi à Vienne pour gagner Budapest dans la soirée, ce qui représente seulement 490 kilomètres en deux étapes.

De Prague à Vienne,l’altitude maximum des collines que nous survolons ne dépasse guère cinq à six cents mètres et le pays, tel un immense plan en relief, se dessine si nettement sous nos yeux que nous lâchons le cap pour suivre la route semée de gros villages, de bourgades pittoresques.

Nous arrivons à Aspern à 10h45 et nous nous faisons conduire à Vienne, où nous passons la majeure partie de la journée sur les bords du vieux Danube, couvert de barques, de canoës, de petits voiliers qui glissent paresseusement sur l’eau au grès d’une faible brise.

Il est six heures du soir quand nous repartons : un mécano d’Air-France a, pendant ce temps, gentiment vérifié notre moteur qui marche d’ailleurs à merveille,mais, n’est-ce pas, deux précautions valent mieux qu’une…
Sous nos ailes, gris et sale, mais majestueux, le beau Danube serpente entre deux rives basses, couvertes de verdure, enserrant en ses innombrables bras des îles verdoyantes où les oiseaux sont légion.

Bientôt, devant nous, surgit un rocher — dernier prolongement des Petites Carpathes — au pied duquel la Morova se jette dans le Danube : les eaux plus claires de la rivière tchèque coulent longtemps dans le lit du fleuve avant de se mélanger aux eaux de celui-ci. Puis voici Bratislava que domine un château en ruines ; là, nous abandonnons le Danube pour piquer droit à travers la campagne sur Budapest que nous survolons avant d’atteindre le terrain d’aviation.

Nous serons sans doutes les derniers touristes français à atterrir sur cet aérodrome qui vient d’’être remplacé par un autre mieux situé,plus dégagé ; ce n’est pas dommage, car, pour prendre son terrain, Bétrancourt doit survoler un pâté de maisons, éviter le clocher d’une église, puis un château d’eau et, finalement survoler en rase-mottes les bâtiments de l’aéro-gare.

Le sol en outre, est médiocre, l’herbe haute et nous sommes plus secoués en roulant à terre que nous l’avons été au cours de l’étape.

Budapest – Belgrade – Sofia

Je crois qu’il faudrait employer une certaine dose de mauvaise volonté pour réussir à se perdre en allant de Budapest à Belgrade : le Danube d’une part, la voie de Chemin de fer d’autre part conduisent -tout droit «  à la capitale yougoslave.

Nous choisissons la ligne de chemin de fer, plus directe, nous nous mettons à cheval — à six cents mètre d’altitude bien entendu — sur les rails et nous survolons la plaine immense et nue, la célèbre poutza dont la monotonie, vue d’en bas, est infinie. Par contre, vue d’en haut, sans offrir l’attrait des pays de montagne, la plaine hongroise ne manque pas totalement de variété ; de vastes plaques sablonneuses, des étangs, nombreux en cette cuvette dont l’altitude est souvent au-dessous du niveau de la mer; quelques fermes protégées du vent par un rideau d’arbres — les seuls qui se dressent au-dessus des prairies et des champs infinis — coupent, çà et là, l’étendue unie.

Malgré le vent contraire nous filons à une allure soutenue de 150kilomètres-heure et, après deux heures de vol, nous apercevons Belgrade au confluent de la Save et du Danude.

Arrivé au dessus du terrain, nous faisons prudemment un tour avant d’atterrir : à Budapest, on nous a signalé qu’en huit jours, treize aviateurs serbes se seraient écrasés au sol, à la suite de collisions en vol au dessus du terrain et nous tenons essentiellement à éviter des rencontres fâcheuses !

Là, cependant que les mécanos se chargent du graissage des magnétos, nous allons déjeuner au restaurant de la gare aérienne, spacieuse et bien entretenue, qui nous fait penser avec honte à certains grands aérodromes français.

Deux heures plus tard — une heure seulement à nos montres, car nous sommes dans un nouveau « fuseau horaire », — nous repartons pour Sofia, but de notre voyage aérien.

Sous nos plans, le paysage des environs de la capitale yougoslave apparait vallonné et nous prenons, tout de suite, une certaine altitude. Après une demie-heure de vol, nous sommes à 1200 mètres et nous apercevons bientôt la Morava au cours sinueux, dont les boucles et les anneaux se répètent jusqu’à l’horizon

Nous montons toujours : à 1500 mètres nous reconnaissons, sous les champs cultivés, la trace de l’ancien cours de la rivière dont plusieurs boucles ont étés coupées afin de permettre aux paysans de récupérer des terres cultivables.  Voici Nish, qui, quelques mois durant, fut la capitale de la guerre de la Serbie envahie ; nous survolons la place triangulaire où se dresse le monument aux morts, puis nous abandonnons la vallée de la Morava pour nous engager dans celle de la Nichava qui s’insinue entre deux plissements parallèles des mont Balkans.

Le paysage revêt une grandeur sauvage : nous sommes à 1800 mètres et sous nos ailes, les contreforts des montagnes atteignez 1500 mètres ; mais à droite et à gauche, les sommets ont 2000 mètres ou plus et, devant nous à l’horizon, ce sonique des montagnes arides.

Le moteur tourne allègrement et c’est heureux, car une panne en ce lieu signifie atterrissage forcée et, immanquablement, bois cassé…. au minimum.

Suivant la rivière, la ligne internationale de l’Orient -Express se glisse d’une rive à l’autre à grand renfort de ponts, tunnels et viaducs : nous la perdons parfois de vue quand un contrefort plus haut que les autres, une gorge plus étroite l’oblige à passer sous terre.

La montagne que nous franchissons peu après Pirot, à la frontière serbo-bulgare, a maintenant une teinte rouge sombre : à  chaque tranchée on croirait que la terre saigne et cette couleur ajoute à la tragique sauvagerie de la montagne.

Enfin, à notre droite, la dîme neigeuse du Mont Vitoche apparaît et, à ses pieds, la plaine de Sofia et le terrain d’aviation : les montagnes s’écartent, l’horizon s’élargit et nous nous apercevons que nous étions, tout à l’heure oppressé par la majesté du site et que maintenant nous respirons mieux.

Nous faisons comme à l’accoutumée, un atterrissage «  au poil » : au milieu du terrain, gardé par une patrouille l’arme au pied, un avion de la jeune aviation bulgare git sur le dos ; nous roulons de manière à passer auprès de l’appareil accidenté, mais un officier se précipite et, à laide d’une mimique énergique qui ne permet aucune équivoque, nous ordonne de passer au large, ce que nous faisons prudemment.

A l’aerodrome — comme d’ailleurs sur tout les terrains que nous avons foulés — on nous réserve le meilleur accueil et des interprètes bénévoles nous facilitent toutes les interminables formalités auxquelles les avions sont astreints : il est navrant soit dit en passant que les voyages aériens, dont le premier agrément est la rapidité, soient ainsi entravés par des formalités d’un complication excessive. Il est vrai,  que dans une Europe sans armes, il ne saurait guère en être autrement.

Retour, Sofia – Belgrade – Zagreb – Venise

Après une semaine de séjour en Bulgarie, nous repartons, de beau matin dans l’intention d’aller passer la fin d’après-midi à Venise, ce qui représente un millier de kilomètres.

Nous avons de la chance : le temps, qui était resté couvert, la veille, jusqu’à dix heures du matin, est bien dégagé et à sept heures nous décollons pour refaire, en sens inverse jusqu’à Belgrade, le chemin suivi quelques jours auparavant.

Notre régularité de marche est telle que nous mettons deux heures neuf pour couvrir les 320 kilomètres qui séparent les deux capitales, alors que nous avions mis deux heures onze à l’aller !

Après un bref arrêt à Belgrade, nous mettons le cap sur la capitale de la Croatie, Zagreb, où nous ferons un dernier plein avant d’atteindre Venise.

Nous suivons fidèlement le cours de la Save laissant à notre gauche la Bosnie et, à droite, la Slavonie : le pays est riche, fertile, et les rectangles des champs, allant du brun sombre au vert profond, en passant par toute la gamme de ces deux couleurs, découpent le sol comme un puzzle.

Le vent cette fois, est favorable, et les 380 kilomètres de parcours, un peu monotones, sont couvert en deux heures et dix-sept minutes.

A Zagreb également, nous recevons le meilleurs accueil, presque fraternel, cette fois, et comme nous manquons de monnaie pour payer la taxe d’atterrissage, le chef d’aéroport ne nous inscrit pas sur les livres de passage pour n’avoir pas à nous faire payer : «  Vous êtes des Français, n’est ce pas ? » dit-il comme pour s’excuser de sa gentillesse.

Comme il fait très chaude que, d’ailleurs notre béquille parait avoir besoin d’être réparé, nous décidons  de déjeuner sur place avant de repartir pour l’Italie et c’est seulement à trois heures que nous quittons le terrain pour la traversée du Plateau  de Carniole et du golfe de Venise.

Nous suivons tout d’abord la Save en prenant de l’altitude, car les points culminants du plateau atteignent presque 1 800 mètres. Devant nous, les monts de strie, barrière neigeuse, coupent l’horizon, nous infléchissons notre route vers le Sud-Ouest et nous abandonnons la Save pour suivre la Laibach. Nous survolons Ljubujana et voici  que l’altitude augmente ; nous passons le col dOberlaibach au-dessus nous atteignons l’altitude de 2 000 mètres qui sera la plus haute du voyage ; voici, perdue au coeur du plateau, Adelsberg où nous mettons carrément la cap à l’Ouest en direction de Trieste.

Pendant une soixantaine de Kilomètres, la paysage montagneux défile au- dessous de nos ailes puis, d’un coup, voici l’Adriatique et, sans transition, telle une table de l’arbre, le plateau tombe à pic sur la plaine, et le sol qui n’était qu’à cinq ou six cents mètres au dessous de l’appareil s’effondre à mille ou douze cents mètres plus bas : l’impression de vide est naissante.

Laissant, au Sud , Trieste épanouie au fond de son golfe, nous longeons les marais et les lagunes du Bas-Pays vénitiien, nous franchissons l’embouchure du Tagliamento, puis celle de la Piave, et voici enfin Venise avec, sur l’île célèbre et allongée qui protège, l’aérodrome du Lido.

Venise – Nice

Après une soirée à Venise, nous repartons, de bon matin, pour Nice, ce qui représente une étape de 500 kilomètres avec, pour terniner, 120 kilomètres de mer au-dessus de la Méditerranée.

L’avion, dont le plein d’essence et d’huile a été fait, et fort chargé, mais le vent souffle  dans le sens du terrain, ce qui facilite le décollage que Bétrancourt, comme toujours, réalise de main de maître.

Un dernier salut à Venise, un virage et nous mettons le cap, au-dessus de l’immense plaine, vers le Pô. Voici Padoue puis, simples taupinières sur l’étendue plate, les collines Euganéennes et les Monts Bérici entre lesquels nous passons. Au loin, nimbé d’un léger brouillard, nous apercevons le lac de Garde au moment où nous arrivons au-dessus de Mantoue, entourée d’étangs.

C’est à Crémone que nous atteignons le grand fleuve dont nous remontons le cours jusqu’à Pavie. Mais là, le temps se gâte, les nuages s’accumulent et a plafond « descend » à six ou huit cents mètres, nous traversons des bancs de nuages blancs, effilochés par le vent.

A notre gauche, les premiers contreforts de l’Apennin Ligure apparaissent couvert de «  crasse » : pourrons nous passer ?

Pour atteindre Gêne, nous devons, en effet, traverser la chaîne en son point le plus étroit, par la vallée de la Servia. De Novi-Ligure à Gênes, il n’y a guère plus de 40 kilomètres, mais les sommets dépassent souvent mille mètres et les nuages sont bien en-dessous de cette altitude. Voler au-dessus, il n’y faut pas songer, car nous risquerions d’aller nous égarer sur la Méditerranée : il nous faut donc ou passer au ras des arbres ou bien rebrousser chemin et aller nous poser, en attendant de meilleurs conditions atmosphériques, sur l’aérodrome d’Alexandrie.

A Voghera, le temps est complètement bouché ; à Novi-Ligure il n’est guère meilleur : Bétrancourt s’aventure cependant dans la vallée étroite où serpente la rivière, où se faufile la ligne de chemin de fer. Nous ne sommes qu’à vingt mètres des sapins et la montagne s’élève rapidement : un bouchon de nuages couvre les sommets, devant nous l’horizon est d’un gris uniforme : allons, il va falloir faire demi-tour… Bétrancourt amorce un virage… Nous allons revenir vers la plaine… attendre… Puis, tout d’un coup, comme se lève un rideau de scène, les nuages se déchirent, un rayon de soleil éclaire le col de la Bochetta, le passage est libre, mais pour combien de temps ? L’éclaircie qui vient de se manifester subitement peut disparaître aussi vite qu’elle est venue…

Sans hésiter, Bétrancourt fonce vers la lumière, le moteur tourne à pleins gaz, nous allons passer, nous passons et, tout d’un coup, éblouissant saphir, la mer apparaît au-delà des montagnes.

Nous longeons maintenons la mer sur laquelle, de temps à autre, un canot automobile laisse une blanche cicatrice rapidement effacée ; la Riviera italienne se déroule à nos pieds. Après Gènes, qui monte à l’assaut de sa montagne et que domine un cimetière monumental dont les marbres blancs étincellent au soleil, voici Savone, puis Albenga, San Remo, Vintimille, puis nôtre Côte d’Azur : Menton, cap Marti, Monaco, le port militaire de Villefranche et enfin, Nice, dont l’aérodrome, détrempé par une pluie récente, s’allonge au bord du rivage, entre la ville et le champ de courses

Nice – Lyon – Rouen

Nous comptions repartir de bon matin de Nice pour Lyon, mais notre béquille nous a faussé compagnie à l’atterrissage à Nice et les mécanos mettent un certain temps à la réparer, tant et si bien qu’il est dix heure et demie quand nous nous envolons.
Nous longeons tout d’abord la côte puis, à Saint -Raphaël, nous nous enfonçons dans le département du var. Laissant Draguignan au Nord, nous passons à la verticale de Brignoles, puis nous coupons au dessus de la montagne pour rejoindre la Durance que nous suivons jusque’à Avignon.

Là nous prenons la vallée du Rhône, mais à l’Ouest, le temps se gâte et le Massif Central apparaît nimbé d’orage et nous atteignons de justesse Lyon avant que le temps ne soit bouché.

Nous allons prendre la résolution de rester là jusqu’au lendemain, quand un coup de téléphone apprend à Bétrancourt que, depuis deux jours, il est le père d’un robuste garçon.

Sur ce, nous nous précipitons à la Météo pour prendre des renseignements : «  Vous voulez rentrer à Rouen ? impossible ! Les Sauvages sont bouchées et vous ne pourrez pas gagner la vallée de la Loire. Au demeurant, si vous y parveniez, le plafond y est à cent mètres et il faut connaître admirablement la route pour passer « .

Que faire ? Nous décidons d’attendre une heure, pendant laquelle nous tournons autour du «  coucou » qui a été rangé dans le hangar.

Au bout d’une demie heure nous voyons un avion de tourisme atterrir, nous nous précipitons, sous la pluie, et Bétrancourt demande au pilote :
«  Nous voudrions savoir si Les Sauvages sont praticables, pouvez vous nous renseigner ? »

« Les Sauvages ? Mais j’en viens ! C’est très mauvais, les monts du Lyonnais sont dans la brume, mais le passage par Roanne est possible à condition d’avoir son avion bien en mains « .

Nous nous consultons du regard, après tout, puisqu’un avion vient de passer, pourquoi ne passerions-nous pas aussi ? Et, malgré un nouvel avertissement de la Météo qui «  nous déconseille fortement de partir », nous faisons sortir l’avion du hangar ; pour la dernière fois du voyage, Bétrancourt lance l’hélice et, pour la première fois, je réussi à faire partir le moteur au premier essai !

Sous cet auspice favorable nous décollons : à six cent mètres au dessus de Charbonnières, nous sommes pris par la pluie diluvienne, mais la visibilité demeure passable ; à plein gaz encore nous fonçons  dans la  pluie et nous réussissons à  suivre la trouée qui mène à Roanne, à atteindre la Loire.

A ce moment, le temps s’éclaircit, nous laissons l’orage derrière nous et nous nous croyons tirés d’affaire quand un autre orage apparaît, nous enveloppe. La pluie tombe avec une intensité redoublée et la visibilité devient très mauvaise ; nous sommes obligés de descendre à trente mètres, au ras des arbres qui entourent les pâturages, et comme le temps devient de plus en plus bouché, nous décidons d’atterrir à Paray-le-Monial.

Nous laissons don la Loire pour remonter la Bourbince, mais la visibilité est tellement mauvaise que nous manquons le terrain et que nous devons nous résigner à faire demi tour.

Nous canons à peine d’effectuer cette manœuvre qu’une éclaircie se produit au Nord-Ouest : Nous nous y engageons sans hésiter et bientôt, nous retrouvons la Loire, où le plafond est à deux ou trois mètres ce qui suffit largement à Bétrancourt pour lequel le chemin est maintenant devenu familier.

retour+du+vol+en+EuropeDe gauche à droite Louis Antier (président de l'Aéroclub de Normandie) Mr et Mme de Bergevin, Jean Bétrancourt et Georges Jacquemart (le Chef pilote de l'Aéroclub de Normandie) phot extrait du bulletin 1937 de l'aéroclub de Normandie ©Alain Bétrancourt

De gauche à droite Louis Antier (président de l’Aéroclub de Normandie) Mr et Mme de Bergevin, Jean Bétrancourt et Georges Jacquemart (le Chef pilote de l’Aéroclub de Normandie) phot extrait du bulletin 1937 de l’aéroclub de Normandie ©Alain Bétrancourt

Nevers, Cosne, Gien, Orléans défilent tour à tour et, avec la Beauce, nous retrouvons le beau temps : pour une centaine de kilomètres seulement, par exemple, car à Dreux nous trouvons un brouillard épais qui tombe avec la fin du jour et qui nous obligerait à rebrousser chemin si Bétrancourt ne connaissait pas la route « comme sa poche »

Et, après Louviers, voici Pont-de-l’Arche, puis la flèche majestueuse de la Cathédrale qui marque la fin d’un beau voyage.


Georges Jacquemart Chef pilote de l’Aéroclub de Normandie en 1937

Georges Jacquemart chef pilote de l’aéroclub de Normandie en 1937 ©Alain Bétrancourt
Georges Jacquemart est né le le 06/08/1892 à Aubrives dans les Ardennes. Il entre au service de l’Armée le 7 septembre 1910 et après une formation sur Caudron G3 à l’école d’aviation des frères Caudron au Crotoy (Somme), il obtient le brevet de l’Aéro-club de France n°464 en date du 07 avril 1911 puis le brevet militaire n°119 en date du 22 juin 1912. Entré comme sapeur, il quittera l’armée comme Capitaine.
Il obtient le brevet de Transport public n°707 en date du 8 août 1922. On retrouve sa trace comme pilote des avions Caudron au Crotoy en 1924 et 1929 puis en 1937 comme chef pilote de l’Aéroclub de Normandie.

Source des informations :

Alain Bétrancourt
Mémoire des hommes : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
l’annuaire des Vieilles Tiges 1924 et 1929
Revue de l’Aéroclub de Normandie 1937


Vol Air France Paris-Marseille en 1937

Potez 62 F-ANPI  » Cigogne » d’Air France ed Godneff (collection privée Xavier Cotton)

Voici les impression du docteur Robert Delabost sur son vol de Paris à Marseille avec un Potez 62 d’Air France en 1937. Ce témoignage est paru dans la « Revue de l’Aéroclub de Normandie » (trimestrielle) d’août 1937. Air France est alors une toute jeune compagnie aérienne puisque fondée en 1933.

« Notre vice président fondateur de l’Aéro-Club, Robert Delabost, ayant le 13 mai dernier, employé l’avion de la ligne « Air-France » pour un déplacement dans le midi, a bien voulu donner à notre trésorier (Jean Bétrancourt, ndlr), et à l’attention de nos membres, ses impressions sur ce voyage.

Collection Alain Bétrancourt

Oui, mon cher trésorier, comme je l’avais projeté depuis longtemps, je viens de faire le voyage de Paris à Marseille par le service d »Air-France » sept cents kilomètres à …… vol d’oiseau, en trois heures un quart et deux demies heures d’auto.
C’est un rêve en comparaison avec la longue et fatigante nuit que l’on doit passer en chemin de fer pour effectuer le trajet, et c’est une joie pour un « vieux de l’air ».

Mais comment est-on admis à faire le voyage ?….

C’est bien simple : on consulte à la gare, dans les agences de voyage ou à l’aéroclub, un horaire d' »Air-France » et l’on retient, par lettre ou par téléphone, sa place à bord de l’avion, de préférence quelques jours à l’avance, au Bureau de cette Compagnie Aérienne, 2, rue Scribe, à Paris : On paie 630 francs à ce Bureau qui vous indique l’heure du départ de l’autobus spécial qui part du Bureau d' »Air-France » 116, rue Lafayette et vous conduit à l’aérodrome du Bourget. c’est dans ce Bureau que l’on vous remet les billets et que l’on vous prends tous vos bagages et votre appareil photographique. ceux ci vous seront remis à votre arrivée à Marseille.

Et c’est les mains libres que l’on monte dans l’autobus rapide qui vous attend, et on a juste le temps de traverser les interminables couloirs de la nouvelle gare pour arriver dans la salle d’attente et sur l’aire de départ de l’avion. À moins qu’une averse d’importance, comme celle qui tomba alors, ne retarde l’envolée de dix minutes par mesure de prudence.

Embarquement à bord d’un POTEZ 62 d’Air France Sur la ligne Paris-Bordeaux ©Jacques Hémet

On se hâte alors vers un superbe bi-moteur « Potez 62 », qui vous attend en face, à cinquante mètres : on monte à tour de rôle les marches d’un escabeau et l’on s’installe à son grès sur les fauteuils libres de la carlingue, absolument comme dans un wagon.

Les moteurs sont chauds, le pilote et le radio-gonio sont à leur poste, le steward s’assure que les douze voyageurs (dont onze anglais) sont à leur place, la porte est claquée, les moteurs ronflent plus fort et l’on décolle.

  Et le confort à bord ?….

Parfait. Les sièges, très souples, se moulent au corps, et le dossier, bien incliné, vous donne une impression si agréable que de tout le trajet, je n’ai vu aucun voyageur le quitter pour se délasser comme on le fait volontiers dans le chemin de fer. Une grande glace vous permet de voir aisément la terre en restant confortablement assis. Au dessus de la glace, un petit ventilateur réglable vous envoie un courant d’air frais très agréable sur la figure, car l’air de la carlingue est aussi calme et chaud que celui d’un compartiment de chemin de fer ; au dessous de la glace, une pochette contient trois petits sacs de papier résistant pour recevoir, au besoin, les résultats du mal de l’air.

Aménagement de la cabine d’un Potez 62 ©Photo constructeur via Jacques Moulin

Il y a très peu de vibrations et l’on peut écrire ses mémoires d’un écriture à peine tremblée.

Le steward vous remet bientôt un petit sachet de papier contenant du coton pour mettre dans les oreilles : mais le bruit des moteurs n’est pas très fort puisque l’on peut se parler et se comprendre à cinquante centimètres en élevant un peu la voix, et l’on ne tarde pas à se passer du bouchon de coton : quelques minutes après le départ, le steward vous distribue des bonbons. Le geste est délicat, mais aussi il est utile, car ce sont des pastilles de chewing-gum, que l’on suce pendant tout le trajet pour aider la pénétrations ou la sortie de l’air dans la caisse du tympan et éviter bourdonnements ou douleurs aux changements d’altitude.

Potez 62 F-ANPG ©Photo constructeur via Jacques Moulin

        

Et maintenant pourriez vous nous donner quelques impressions de voyage ?….

Bien volontiers. Au départ, on s’élève sur cette banlieue Nord-Est de Paris dont les maisons banales et les usines ne tardent pas à paraître bien petites ; puis, dans la brume qui suit la pluie d’orage, on devine Paris et sa tour Eiffel. Un ruban lamé d’argent, c’est la Seine ; puis un autre tortueux, c’est la Marne. Un troisième plus étroit apparait, c’est l’Yères (en réalité c’est l’Yerres dans l’Essonne à ne pas confondre avec l’Yères petit fleuve côtier de Seine-Maritime, ndlr). On vole encore sous les volutes noires d’un ciel orageux. Puis, c’est le brouillard : on traverse les nuages. Le soleil apparait alors éblouissant dans un ciel bleu, et aussitôt, on survole les moutons dorés, à perte de vue, de la mer de nuages. On est à 1,600 ou 1,800 mètres. Le spectacle est merveilleux.

De temps en temps,par une trouée noire, on voit la terre. Elle est bien sombre et bien vilaine, par comparaison, la terre.

Après trois quarts d’heure environ, petit à petit, le sol apparait à travers la brume, de plus en plus net ; mais ce n’est pas la terre de chez nous ; les champs sont petits et en forme de polygones irréguliers. À dix kilomètres environ sur la droite, on longe un long ruban argenté, c’est la Loire, dont nous remontons la vallée : nous survolons Chateau-Chinon. Un quart d’heure se passe et nous voyons un pays tout plein de flaques d’eau : le Nivernais.

Potez 62 F-AOUA à Lyon-Bron ©SLHADA

Puis nous tombons dans deux ou trois tous d’air causés par la traversée des Monts du Lyonnais et quelques minutes après, nous longeons la Saône, et nous sommes en vue du Rhône et son confluent. On est déjà sur Lyon, qui ne parait pas très grand. Voilées par une légère brume, on distingue Notre-Dame-de-Fourvières, la place Bellecour et la gare Perrache.

Mais tout cela s’enfuit rapidement, car l’avion va vite ; on se rapproche du sol, la terre tourne encore, et l’on roule sur le terrain de Bron. Cinq minutes d’arrêt, tout juste le temps de prendre un café trop chaud, et l’on court à l’avion qui s’envole.

Puis nous voyageons dans l’air limpide et chaud de la vallée du Rhône, à quelques 20 kilomètres de sa rive gauche. Les Alpes neigeuses sont toutes dorées par le soleil ; on reconnait le Massif du Mont-Blanc, puis celui du Pelvoux

Plus loin, on rase de près le Ventoux aux pentes pierreuses. On survole des fleuves de sable : C’est l’Isère, la Drôme et la Durance. Sur la droite, on distingue le Massif Central couvert d’orages éclairés par les lueurs rouges feux du soleil. le spectacle est passionnant de tous côtés… Et, tout d’un coup, on a l’agréable surprise de découvrir l’Étang de Berre, avec ses réservoirs de pétroles, ses deux terrains d’aviation et, plus loin, la belle mer bleue.

On cherche à s’orienter, mais la terre se met à danser une sarabande effrénée ; tout tourne devant les yeux et l’avion roule sur le terrain de Marignane.

À l’arrêt, seul je descends ; les onze autres voyageurs, Les Anglais, restent dans le Potez, qui repart aussitôt pour Cannes.

Dix minutes après, j’étais invité à monter dans un vieux tacot d' »Air-France », qui par des chemins invraisemblables, me conduit, avec un bruit de ferraille, vers la banlieue de Marseille, plus bruyante encore et plus grouillante, où l’on ne peut avancer qu’à grands coups d’une trompette sonore.

À trois heures, j’avais quitté la rue Lafayette, et à sept heures, j’étais sur la Cannebière, frais et dispos. C’est au bureau d' »Air-France » que mes bagages et mon appareil photographique me furent rendus.

Potez 62 F-ANPH ©Photo constructeur via Jacques Moulin

Et pour conclure ?……

Voyage beaucoup plus court, plus beau et moins fatigant qu’en Chemin de fer. À peine plus coûteux, si l’on tient compte qu’à l’arrivée on n’éprouve pas le besoin de perdre du temps pour se reposer.
Le Danger ? Infiniment moindre que dans les promenades en autocar dans les montagnes niçoises ou sur les corniches en bordure de la mer.
Enfin, c’est un agrément, et c’est aussi un devoir pour chacun de contribuer au développement de notre aviation en s’en servant, comme savent s’en servir…… les Anglais.

Sources des Informations et Documentations :
Alain Bétrancourt
Photos constructeur via Jacques Moulin
Revue de l’Aéroclub de Normandie août 1937
Société Lyonnaise d’Histoire de L’Aviation et de Documentation Aéronautique : http://www.slhada.fr/