Tag : Potez 58

Un POTEZ Sanitaire pour l’A.F.A.S.A

1934, le Potez 58 F-ANDQ de l’Association Féminine d’Aviation Sanitaire d’Algérie (AFASA) (collection privée René Brioux)

De nos jours, on voit régulièrement des transferts de malades avec des avions bien équipés que ce soit les Beech 1900D de Twin Jet ou les A330 de l’armée de l’air. Mais il faut savoir que les évacuations sanitaires se sont parfois faites avec des avions bien plus légers tel ce POTEZ 58 immatriculé F-ANDQ équipé d’un moteur Potez 6B de 120 cv.

Cet avion sanitaire Potez 58 acquis, le 31 août 1934 par l’Association Féminine d’Aviation Sanitaire d’Algérie (AFASA), fut convoyé en décembre 1934 jusqu’à Alger par Jacques Duchêne-Marulaz, le chef pilote de l’association. Dans le hangar de l’avion, sous le contrôle de l’infirmière-chef, un placard spécial fut aménagé pour le matériel sanitaire proprement dit (draps, taies d’oreiller, couvertures, matelas, etc.) et un important matériel médical (trousses de pharmacie et de chirurgie).

Et comme on peut le lire dans la Revue du Ministère de l’air du 15 aout 1936 : Peu de temps après, au cours d’une imposante manifestation présidée par Madame Carde, femme du Gouverneur Général , marraine de l’avion, en présence de toutes les autorité civiles et militaires, l’avion reçut le nom de « Charles de Foucauld ».

Le 18 décembre 1935 lors d’une évacuation sanitaire l’avion fut détruit dans un accident sans faire de victime.

Sources des informations :


Souvenirs “turbulents” de la période 1935-1940

MÉMOIRES D’UN INGENIEUR DE RECHERCHE  – suite n°1
Georges ROLLIN (1915 – 2001)
Vous avez déjà pu lire dans mon blog, un extrait des mémoires de Georges Rollin relatif aux essais en vol du Laté 631, et fait connaissance avec « l’anémoclinomètre » utilisé pour l’étude de la turbulence. Dans le texte qui suit, qui a fait l’objet en 1993 d’un exposé à la demande de la Fédération Française de Vol à Voile, Georges Rollin nous raconte les essais en vol dans le cadre de l’étude de la turbulence ; les essais rapportés ici ont été effectués dans le massif central avant la guerre de 1939.

Souvenirs  “turbulents”  de  la  période  1935 – 1940 .

Note préliminaire :
                        Se souvenir à presque soixante ans de distance de cette période historique et agitée est un exercice délicat . Il est bien évident que mes souvenirs ne peuvent être que personnels malgré la consultation des quelques documents rescapés de la guerre . Je prie donc le lecteur de bien vouloir m’excuser si je suis trop présent dans ce récit . Mais je pense que si d’autres témoins, dont le nombre diminue sans cesse, écrivent également leurs mémoires, un historien pourra en faire un jour une synthèse plus impersonnelle. (G. R.)
            Un rappel historique est ici nécessaire .
            En 1934, à la suite de la catastrophe du trimoteur “Émeraude” victime de conditions atmosphériques particulièrement difficiles, le Ministre de l’Air décide de pousser au maximum l’étude des « rafales, remous et courants aériens » ; c’est ainsi qu’il crée le 27 avril 1935 la « COMMISSION  de  la  TURBULENCE  ATMOSPHÉRIQUE«  qui a pour but la coordination des études déjà entreprises sur ce sujet . L’arrêté ministériel nomme membres de cette commission les personnalités suivantes sous la présidence de Mr. Ph. Wehrlé  Directeur de l’O.N.M.  :
MM. Dedebant et  Baldit de l’O.N.M.
Mr. P. Dupont,  Ingénieur en Chef de l’Aéronautique,
MM. H. Benard, P. Idrac, Métral  et  J. Kampé de Fériet,  Professeurs de mécanique des fluides .
            Cette commission établit immédiatement un vaste programme de recherches que je ne détaillerai pas ici, mais qui couvre tous les domaines depuis les études théoriques, les mesures en laboratoire, en atmosphère et en vol, la réalisation du matériel expérimental nécessaire, et les applications à la météorologie .
            Embauché en octobre 1935 comme jeune ingénieur à l’I.M.F.L. (Institut de Mécanique des Fluides de Lille), le Directeur de cet institut, le professeur J. Kampé de Fériet me charge de l’étude et de la réalisation des moyens expérimentaux, ce qui me place d’emblée au cœur de la turbulence. Mes premières réalisations portent notamment sur l’adaptation de l’anémoclinomètre IMFL, détecteur de pression des paramètres de la turbulence, aux mesures sur avions et planeurs, et un enregistreur photographique équipé de manomètres à miroir de différentes sensibilités adaptées aux mesures sur planeurs, sur avions plus ou moins rapides et également au sol pour l’étude des couches basses de l’atmosphère. Par ailleurs, au moyen de dispositifs expérimentaux appropriés, j’ai procédé à l’étude en soufflerie des temps de réponse des principaux indicateurs de vitesse du vent utilisés à cette époque.
            L’étude de la turbulence est d’une importance capitale pour le calcul de la structure des avions qui doivent la supporter sans dommage, mais également pour les planeurs dont elle est le moteur ; en effet, sans turbulence (ascendances) le vol à voile ne serait pas possible ; le planeur, largué à une certaine altitude, ne pourrait que descendre et parcourir une distance déterminée par sa finesse .
       L’atmosphère étant essentiellement turbulente, MM. Wehrlé et Dedebant ont eu le mérite d’introduire la notion « d’échelle de la turbulence » qui permet de classer les phénomènes et de procéder à leur étude avec des moyens appropriés. L’échelle la plus élevée que l’on puisse adopter pour l’atmosphère est celle du globe terrestre où l’on ne différencie que de vastes domaines constitués par la troposphère , la stratosphère, les fronts polaires, etc……
Immédiatement au dessous se place l’échelle appelée “synoptique” dans laquelle travaillent les météorologistes qui établissent les cartes présentées notamment à la télévision, sur lesquelles on distingue les perturbations de grande étendue, les cyclones et anticyclones .
Puis nous avons le domaine de « l’aérologie » qui correspond à des particules de quelques centaines de mètres ; les remous, rafales, tourbillons qu’étudie l’aérologie constituent le domaine d’activité de la Commission de la turbulence.  
Le domaine suivant correspond à des particules de quelques mètres à quelques dizaines de centimètres provenant, par exemple, du passage du vent sur un sol plus ou moins rugueux. Pour bien préciser cette notion d’échelle je préfère citer M.Kampé de Fériet: « Chaque fois que l’on descend d’un rang dans la hiérarchie des échelles, aux mouvements précédemment définis pour les particules correspondantes s’ajoutent les mouvements propres des micro-particules dans lesquelles on est parvenu à fractionner ces particules ; à chaque stade, la complexité des mouvements s’accentue et leur caractère chaotique mérite toujours davantage le qualificatif  « turbulent » . A la limite, si l’on admet le point de vue de la théorie cinétique, on aboutit à l’échelle moléculaire où les particules ultimes sont constituées par les molécules ; c’est le chaos moléculaire qui est le terme final de cette cascade de turbulences emboîtées les unes dans les autres comme des poupées gigognes ».
            En résumé, l’atmosphère étant interposée entre la terre et le soleil, sa turbulence, toutes échelles confondues, provient des forces de Coriolis, des phénomènes thermiques (convection), des phénomènes orographiques (rugosité des sols, mers, montagnes…). Ces mouvements tourbillonnaires sont liés à des variations de pression statique qui font l’objet de nos mesures ; on distingue le cyclone, constitué d’une dépression centrale, tourbillon qui tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère Nord ; inversement l’anticyclone tourne dans l’autre sens autour d’une surpression .
            Tant que nous sommes au sol, nous sommes soumis, indépendamment des pressions cycloniques, essentiellement à la turbulence orographique qui provoque des micro-fluctuations de pression dont la fréquence est détectée par notre organisme et peut être préjudiciable à notre santé (effet néfaste du vent d’Autan à Toulouse)..

            Les effets de la turbulence sur un avion ne peuvent être étudiés qu’en vol, les mesures en soufflerie sur maquette, utiles dans bien des domaines, n’apportent rien dans celui-ci, car la turbulence ne suit pas les lois de la similitude. Je dirais même qu’au deuxième degré, c’est à dire pour la détermination sur maquette des caractéristiques  d’une soufflerie à construire, cette technique peut se solder par de sérieux déboires. C’est ce que j’ai évité de faire  lors de la construction de deux souffleries, l’une du type « Eiffel » de 80 CV à Lille en 1938 pour la mise au point des équipements de mesure, l’autre « à retour » de 120 CV à Toulouse en 1941.

Dès sa formation, la Commission de la Turbulence a choisi pour zone d’expérimentation la Banne d’Ordanche et ses environs où le professeur Kampé de Feriet avait déjà, avec son équipe, installé un laboratoire et procédé à de nombreuses mesures aérologiques en liaison avec l’ONM également pourvu d’une station de mesures. Par ailleurs le relief accidenté de la chaîne des puys offrait un champ d’étude intéressant du point de vue turbulence. La proximité du terrain d’aviation d’Aulnat à Clermont-Ferrand ne pouvait que favoriser ce choix.
Potez 540 avec l’Anémoclinomètre ©Philippe Rollin

            En septembre 1935, pendant que l’Ingénieur en Chef de l’Aéronautique P. Dupont procédait à la transformation d’un bombardier  POTEZ 540 en avion laboratoire, les équipes au sol de l’ONM et de l’IMFL ne restèrent pas inactives et procédèrent à de nombreuses mesures aérologiques avec des moyens divers : fusées fumigènes, anémoclinomètres montés à trois mètres du sol sur des pylônes alignés dans la direction du vent dominant.  J’ai mis en évidence, avec ce type de dispositif en 1936, qu’une rafale enregistrée à une certaine vitesse par l’anémoclinomètre de tête se déplaçait à vitesse moitié pour atteindre les anémoclinomètres suivants. Ceci m’a permis de rassurer Mr Hurel responsable d’essais avec ballon à MURUROA en lui précisant que si le vent soufflait à 100 km/h, le ballon ne se déplacerait qu’à 50 km/h, ce qu’il a effectivement constaté ; il m’a remercié pour cette information.

            En septembre 1936, la campagne d’essais avec Potez 540 a pu avoir lieu et les principaux vols ont été effectués entre Aulnat et la Banne d’Ordanche à différentes altitudes et dans des conditions météorologiques variées contrôlées par le poste au sol de la Banne dont les informations étaient complétées par les renseignements fournis par les pilotes de planeurs parmi lesquels Erik Nessler .
Les résultats font l’objet, dans le cadre des « Publications Scientifiques et Techniques du Ministère de l’Air », du B.S.T. n° 77 de 1938 de l’Ingénieur Paul Dupont.
POTEZ 58 offert par Pierre Cot  Ministre de l’Air en 1937 ©Philippe Rollin

            En 1937, Pierre Cot, Ministre de l’Air, nous rendant visite à l’IMFL, est particulièrement intéressé par nos travaux d’aérologie et par les moyens de mesures au sol et en vol que nous avons développés. Aussi, pour marquer son intérêt pour nos recherches et nous encourager, il met à notre disposition un petit avion militaire, un Potez 58, et son pilote ;  par ailleurs il m’accorde une bourse de pilotage dans le cadre de l’aviation populaire qu’il vient de créer, bien que j’aie dépassé la limite d’âge autorisée. J’ai pu ainsi passer fin 1937 mon brevet sur le terrain de Lille-Ronchin en même temps que Christian, frère d’Edmond Marin la Meslée dont on oublie trop qu’il a été classé Premier Chasseur Français au cours de la dernière guerre après 20 victoires aériennes, et avec Lami, qui, entré à Air France, a terminé sa carrière comme Commandant de bord sur Boeing 747. Si j’évoque ici le souvenir de mon camarade Lami , c’est qu’il m’a avoué un jour qu’il pratiquait le vol à voile pour avoir de temps en temps la possibilité de voler et de tenir en main un vrai manche à balai !

POTEZ 25 servant aux sondages météo entre 0 et 6000m ©Philippe Rollin
            La campagne de septembre 1937 a donc eu lieu avec les Potez 540 et 58 auxquels est venu se joindre un Potez 25 pour effectuer les sondages météorologiques jusqu’à 6000 m. au-dessus de la Banne d’Ordanche. Ayant personnellement volé sur cet avion, je puis dire que c’est vraiment du sport d’atteindre 6000 m. en n’étant protégé du vent et du froid que par un simple pare-brise, surtout si l’on précise qu’il faut au moins autant de temps pour passer de 5000 à 6000 m. que pour monter à 5000 m.
Passage au voisinage du Puy de Dôme (1465m) en POTEZ 25 ©Philippe Rollin
            Les mesures sur le Potez 540 ont permis d’affiner celles de 1936. Quant au Potez 58, qui pouvait se permettre de voler plus près du sol, il a contribué à l’étude de l’influence orographique notamment par la mesure de la turbulence au dessus des lacs, des forêts et dans le sillage de certains sommets.
            L’examen de l’écoulement de l’air au voisinage des roches Tuilière et Sanadoire, responsable de plusieurs accidents de planeur, a été entrepris. Au retour de chaque mission nous passions régulièrement entre ces roches sans incident, jusqu’au jour où notre avion est brusquement tombé, nous laissant sur place, défonçant la verrière supérieure avec nos têtes ; le pilote n’a eu que le temps de récupérer le manche à balai, de basculer l’avion à la verticale et d’effectuer une ressource au fond de la vallée. Nous avons établi une corrélation entre ce phénomène tourbillonnaire et le sillage du Puy de Dôme que par ailleurs nous étudiions systématiquement .
            Indépendamment de la campagne de la Banne d’Ordanche, nous avons utilisé notre Potez 58 pour l’étude de la turbulence dans la région du Nord entre Lille et Calais, étude de la turbulence à l’intérieur et au dessus des nuages ainsi qu’au voisinage du sol où la micro-turbulence thermique faisait frétiller la cellule ; frétillement « sensible aux fesses », et je puis dire qu’avec ce type de détecteur je pouvais reconnaître si nous survolions un lac, une forêt, un champ de blé ou de betteraves . L’effet de sol, par vols à différentes mais très faibles altitudes a pu être mis en évidence à l’aide de l’anémoclinomètre .
            En résumé et en ce qui concerne les planeurs, on peut distinguer trois types de turbulences :  le frétillement dont je viens de parler, la forte turbulence qui secoue énergiquement la structure de l’engin, et l’ascendance tant recherchée qui permet au planeur de « spiraler » et de gagner de l’altitude, donc du temps de vol et de la distance parcourue.
            Quant à la campagne de septembre 1938 avec les mêmes avions que dans la précédente, mais avec des équipements de mesure plus précis et des enregistreurs photographiques, je me contenterai de l’illustrer en évoquant trois incidents de parcours qui heureusement n’ont eu aucune suite fâcheuse .
            Notre Potez 540 était prêt à décoller, attendant qu’un deuxième Potez 540 de notre équipe arrive de Villacoublay. C’était un jour de beau temps sans le moindre souffle de vent, la manche à air pendante, et l’on sait – ou l’on ne sait pas – que dans ce cas il faut manœuvrer à la main le « T » recouvert de toile blanche qui indique le sens d’utilisation de la piste. Las d’attendre, nous décidons de partir sans nous préoccuper de la position du « T ». A peine décollé, nous ne voyons pas immédiatement sur fond de montagnes l’autre Potez arrivant en sens inverse. Les deux pilotes n’ont eu que le temps de dégager par la droite et d’éviter de justesse le contact .
            Deuxième incident avec ce même Potez 540 qui venait d’être équipé du premier pilote automatique dont nous étions chargé de la mise au point. La décision est prise de faire un test sur le trajet Clermont-Ferrand – Lyon. Décollage, traversée de la couche nuageuse, réglage du cap et enclenchement du pilotage automatique. Le pilote descend de son siège pour bien montrer son inutilité. Après le temps calculé pour le trajet, il reprend les commandes et pique dans les nuages d’où nous émergeons juste dans l’axe de la piste de Bron, ce qui était remarquable. Après un déjeuner au mess de la base, nous re-décollons vers Clermont-Ferrand en appliquant le même processus. Dans la traversée des nuages en fin de parcours quelqu’un s’inquiète et dit « où est le Puy de Dôme  ? ». Panique à bord, le pilote fait immédiatement un 180° avant de poursuivre la descente. Nous sortons des nuages au dessus d’une ville que personne n’identifie. Nous repérons la gare qui malheureusement est couverte, ce qui nous oblige à faire trois passages en rase-mottes pour lire le nom de la gare en bout de quai –Montluçon — ; il n’y avait plus qu’à suivre la voie ferrée, dans le bon sens, pour regagner Aulnat …..
Potez 58 en panne au dessus de la Bourboule ©Philippe Rollin

 Troisième incident, mais avec le Potez 58. Une panne de moteur avant d’atteindre La Bourboule nous oblige à atterrir sur le plateau mal pavé de Charlanne.

Le téléphérique descendant vers La Bourboule n’est pas loin mais ne fonctionne plus à cette heure tardive. Une descente m’est accordée avec beaucoup de gentillesse, ce qui me permet d’alerter la gendarmerie dont le règlement l’oblige à assurer la garde de tout avion militaire en difficulté. Seulement, après examen de la carte, il apparaît que le plateau de Charlanne est sur le territoire de La Tour d’Auvergne ; c’est donc finalement la gendarmerie de celle-ci qui délègue deux gendarmes munis de couvertures, thermos et casse-croûte, pour passer la nuit à bord, ce qui d’ailleurs les a ravis. Pendant ce temps-là, le pilote et moi avons passé une excellente soirée à La Bourboule avec les amis de la Banne descendus pour nous tenir compagnie. Après dépannage le lendemain matin par un mécanicien de la base d’Aulnat, retour sans incident après un décollage type “porte-avions”.
            Tous ces incidents seraient impensables de nos jours, compte tenu des équipements radio et des radars.
            La campagne de septembre 1939 n’a évidemment pas eu lieu. Mais il faut cependant noter à l’actif de la Commission que M. Kampé de Feriet avait organisé en juillet, avec le concours du Club Alpin Français, une campagne aérologique en montagne, au Mont Lachat au pied du Mont Blanc. Etude des courants ascendants au moyen de fumigènes, de cerfs-volants larguant de petits parachutes lestés ainsi que des ballons dont les trajectoires étaient suivies au moyen de théodolites… et surtout avec la collaboration de deux planeurs pilotés par……MM. Tournon et Spire  dont nous avons admiré les prouesses.
Pour nous aider dans ces manipulations nous avons eu le concours des « Scouts de l’Air » (élèves des grandes écoles) conduits par le Père Guy Bougerole, aumônier de l’air et pilote bien connu, ainsi que la collaboration d’un ingénieur belge, M. Descamps, qui a fait une publication sur cette campagne, ce dont je le remercie .
            A la déclaration de guerre en septembre 1939, MM. Wehrlé, Metral et Kampé de Fériet proposèrent au Ministre de l’Air de mettre les connaissances aérologiques de la Commission  de la Turbulence au service de l’armée ; c’est ainsi que fut constitué le Groupe « Météo Z » chargé de la détermination des conditions météorologiques favorables dans le cas de l’utilisation de gaz de combat. Ce groupe autonome et autotracté était composé d’une dizaine d’officiers et de deux cents militaires formés au centre météo du Fort de Saint-Cyr . Six des officiers  provenaient des Scouts de l’Air cités ci-dessus, anciens élèves des écoles de l’Air, de Centrale et de Polytechnique et moi-même muté en décembre de l’Artillerie à l’armée de l’Air pour y remplir la fonction de technicien du groupe. Comme j’étais à cette époque EOR à l’école d’Artillerie de Poitiers, je suis sorti premier de l’école….deux mois avant les autres, tout en obtenant un classement de sortie très honorable.
            La formation aérologique spéciale de ces jeunes officiers a été assurée par un stage à l’IMF de Lille, où je faisais procéder par ailleurs à la réalisation du matériel  de mesure indispensable au groupe, puis au fort de Saint-Cyr, point de rassemblement de notre formation .
Ma distraction dans ce Fort était de me rendre chaque matin dans le service centralisant  par téléphone les informations de tous les postes météorologiques répartis sur le territoire. J’ai constaté  brusquement  que certains postes du Nord ne répondaient plus à l’appel ; aussi, dès que le poste de Lille, situé à l’IMFL même, n’a plus donné signe de vie pour des raisons bien évidentes, j’ai décidé d’aller chercher d’urgence le matériel commandé à l’IMFL. C’est ainsi que, muni d’un ordre de mission, j’ai fait l’aller et retour Paris-Lille-Paris les 19 et 20 mai 1940 avec un camion militaire conduit par un jeune chauffeur volontaire et dévoué, Bertrand, imprimeur à Bourges si mes souvenirs sont exacts. Ce fut une expédition particulièrement difficile, surtout pour le chauffeur, avançant à l’aller à contre courant du flot des réfugiés, difficile pour accéder au matériel dans un bâtiment fermé et abandonné depuis trois jours par son personnel et ses chefs, difficile au retour avec la rencontre et le croisement « courtois » avant Amiens de la 2èmepanzer division fonçant en direction d’Abbeville, et la traversée d’Amiens sous un bombardement aérien nous transformant, mon chauffeur et moi, en ambulanciers .
            Ce groupe « Météo Z » n’a pas eu à intervenir, car, après l’ordre de départ en direction du NE, notre trajectoire s’est rapidement incurvée pour aboutir à Vic-en-Bigorre où il fut dissous à l’armistice.
Planeur MC-Jalon à Aire-sur-l’Adour en 1946©Philippe Rollin
            C’est ainsi qu’a pris fin, à ma connaissance, l’activité de la Commission de la Turbulence …… Mais les recherches sur la turbulence n’ont pas été abandonnées pour autant . En effet, dès fin 1940, M. Kampé de Fériet envisage de poursuivre, au sein du G.R.A., les études de la turbulence et des phénomènes aérodynamiques autour de profils d’aile au moyen d’un planeur, ce qui aboutit en 1941 à l’étude d’un planeur laboratoire par MM. Castello et Mauboussin. Ce planeur, baptisé  « Jalon », qui sortira des usines FOUGA à Aire-sur-Adour en 1944, fait l’objet d’une description détaillée dans le livre  « PLANEURS et AVIONS » de Christian Castello, éditions « le Lézard » 1993, ouvrage passionnant pour tout amoureux du vol à voile .
            Ma conclusion, après ce rappel de mes « souvenirs turbulents », je la trouve dans les sujets traités au cours du dernier Colloque de l’ONERA d’avril 1993. Toutes les communications présentées par les aérodynamiciens sous la direction de M. Claude Capelier, sous les ordres duquel j’ai eu le plaisir de travailler, avant ma mise à la retraite en 1980, portent sur les écoulements tourbillonnaires .
            Dans son discours de présentation, M. Capelier signale que les méthodes numériques utilisées pour déterminer les performances d’un avion ne sont pas encore assez précises et qu’il est nécessaire d’utiliser les souffleries pour préciser ces performances « en espérant » qu’elles seront confirmées par le vol. Il préconise l’utilisation de souffleries de grandes dimensions pour être le plus réaliste possible …… pourquoi pas les essais en vol eux-mêmes pour des points particuliers de recherche.
            Je ne puis m’empêcher pour terminer de citer M. Capelier :
« Cette relative faiblesse des moyens de calcul (des performances) provient essentiellement de la turbulence pour laquelle nos connaissances sont encore insuffisantes quant à ses effets. Théoriquement, rien n’empêche de déterminer un écoulement turbulent par résolution numérique, le seul problème c’est qu’il faudrait pour cela avoir accès à des ordinateurs qui auraient une taille mémoire et des vitesses de calcul de plusieurs ordres de grandeur supérieures à celles qui sont actuellement envisagées pour les ordinateurs actuels ».
            Nous retrouvons là  le même problème sur lequel bute et butera encore longtemps l’ONM (Météo France) pour obtenir de bonnes prévisions à toutes les échelles tourbillonnaires. 

Georges Rollin
Croissy-sur-Seine
Janvier 1994.