(Photo collection Privée Peter Garrison)
Après quelques échanges épistolaires au goût du jour c’est à dire par mail, Pierre Peyrichout me dit :
« Si – some day – tu veux  consacrer un papier à Peter Garrison, je pourrais  peut-être t’aider et ce serait avec un plaisir fou, tant il le mérite. Je pourrais te parler longtemps de Peter Garrison, C’est l’homme le plus fabuleux que je connaisse – vraiment- et j’en ai connu beaucoup.
Donne-lui un violon et tu entendras le résultat. Il peut te parler pendant des heures des amours littéraires de Baudelaire et d’Edgar Poe, de littérature anglaise et je sais aussi qu’il est spécialiste des œuvres de Vladimir NabokovPeter parle un français qui nous fait honte tant il est beau et classique. Quant à ses compétences en technique aéronautique, elles se passent de commentaires avec les deux avions révolutionnaires qu’il a conçu lui-même. Tu remarques comme moi, que c’est donc quelqu’un de tout à fait ordinaire, le genre de gus que tu rencontres tous les matins à chaque coin de rue. Outre le fait qu’il a une élégance naturelle, une classe incroyable, le tout doublé d’une modestie sans borne, d’un humour si particulier et juste, et tu comprendras le charisme que cet homme peut dégager.
 » En entrant à Aviasport à l’été 1978, mon premier article était « les nouveaux philosophes » où j’étais le premier journaliste aéronautique français à voler à Mojave avec Burt Rutan sur le Quickie et le Vary Eze, mais aussi à rencontrer et voler avec Peter Garrison sur son Melmoth 1. Je me souviens même à l’instant que son avion, le Melmoth 1 était stationné sur le petit aérodrome de Prescott (KPRC 600 km à l’est de Los Angeles) et c’est là, où j’avais fait un vol en sa compagnie.   Le Melmoth 1 était une bombe biplace côte-à-côte de 6m d’envergure et qui embarquait 600 litres d’essence et 40 kg de bagages, volant à 180 kts avec 200 cv atmosphérique. Il est allé au Japon via une seule escale en Alaska. Il a aussi traversé l’Atlantique et visité pas mal de copains français, allemands, etc…  Malheureusement, en 1982, un Cessna, dont le pilote n’avait pas su maitriser l’atterrissage, est venu  percuter le Melmoth 1 alors que Peter était au point d’attente. Les deux avions furent détruit, mais heureusement personne ne fut blessé.

Peter Garrison


  Lors de ma deuxième visite chez lui, en 1985, il m’avait emmené dans sa cabriolet d’un autre âge, mais longue comme un jour sans pain, à Mojave. Nous filions, cheveux au vent – à 55 mph – sur l’autoroute avec Elvis Presley dans le tableau de bord. Si ce n’était pas le rêve californien, je ne sais pas ce qu’il te faut. Il est vrai qu’à l’époque, il n’avait plus d’avion. Il en était à la construction (à peine achevée) du fuselage de Melmoth 2.
    Peter travaillait alors sur ordinateur – ce qui n’avait pu être la cas avec le Melmoth 1 – et avait conçu un logiciel pour calculer les moments de la cinématique de train de « Melmoth 2 », en fonction des bras de levier. Tu vois, vraiment le mec « ordinaire » qui réussit un quart de siècle plus tard à te laisser des souvenirs fidèles comme si cette rencontre s’était passée hier.  Quant à sa passion de l’aviation, elle lui vient de son père qui en était aussi mordu, mais je ne me souviens plus pour quelle raison. »
  

(Photo collection privée Peter Garrison)
Pierre m’avait indiqué l’adresse du site consacré au Melmoth 2, avion de construction amateur quadriplace tout en stratifié à train rentrant équipé d’un moteur de 200 Cv : www.melmoth2.com 
je pris donc contact avec Peter Garrison pour lui demander qu’il m’écrive un petit papier sur ses sensations lors d’un vol ordinaire sur son Melmoth 2. Sa réponse m’est arrivée avec les beaux jours :
« Enfin, les jours étant devenus des mois, je vous joins deux photos de Melmoth 2. Vous trouverez sur http://www.melmoth2.com/texts/Progress.htm , une description d’un vol ordinaire daté du 3 avril. En réalité, il n’y a pas grande chose à dire ; Malgré mon manque de qualification pour ce boulot, ma plus grande réussite a été de créer un avion sans caractéristique anormale.« 

Voici une traduction de ce rapport de vol que j’espère aussi fidèle que possible dans l’esprit :

« 3 avril 2011.
J’avais une demande d’un blogueur français, Xavier Cotton, pour quelques observations sur les qualités de vol du Melmoth. Cotton, qui est pilote privé et contrôleur aérien et évidemment passionné des avions, a un site très agréable disposant de photos et de descriptions sur des quantités d’avions intéressants. Même si vous ne comprenez pas le Français, les photos valent la visite.
Quand j’ai commencé à écrire quelque chose pour Cotton, je me suis rendu compte, d’abord, que je n’avais jamais donné beaucoup de détails sur les qualités de vol du Melmoth 2 sur ce site-ci, et deuxièmement, que c’est difficile pour moi de faire ainsi, d’une part, parce que je les considère comme faisant partie du décor et d’autre parce qu’elles ne sont pas – je crois – spécialement intéressantes. Néanmoins, les voici – quoiqu’il soit moins question des qualités de vol, que des procédures.
Le roulage est conventionnel, utilisant la roulette de nez pour la direction. Cependant, si la jambe de train avant se détend complètement, la direction disparaît et je suis réduit à diriger l’avion avec les freins. Heureusement, c’est très facile.
J’utilise d’habitude 34 in/ 2800 t/mn pour le décollage, mais je peux pousser jusqu’aux 41 pouces disponibles (le moteur est évalué à 200 Cv à 41 in / 2575 t/mn, il donne probablement 230 Cv à 41 in / 2800 t/mn) L’accélération est rapide (environ 0,25 G) et la rotation se fait à peu près 70 kias. Je rentre le train, monte initialement à 85 kias et réduis la puissance à 30 in/2500 t/mn. Après la rentrée des volets, qui prend quelques temps parce qu’ils ont une assez grande distance à traverser, la vitesse se stabilise automatiquement à 95 kias. Je suis à 1000 ft AGL au moment où je tourne en vent arrière. J’utilise habituellement le départ vent arrière à Whiteman à cause de la zone de Burbank en classe C.
Melmoth 2 en vol pendant les essais en 2002 
Une fois en configuration de croisière, je règle le mélange à 50 degrés Fahrenheit (légèrement appauvri) et le trim pour une montée de croisière à environ 110 kias et 33 litres par heure (cela n’a pas beaucoup de sens, je devrais monter avec une puissance plus élevée, mais toujours le mélange appauvri). La vitesse ascensionnelle avec ce réglage est  de 500 ft/mn quand je suis seul dans l’avion. Je règle les volets de capot pour conserver les CHTs au-dessous de 200° F. J’ai tendance à voler  assez haut, au FL115 ou FL125 pour n’importe quel voyage d’une heure et plus. Un réglage de puissance de croisière classique est 27 in / 2300 t/mn, ou environ 55 %, qui donne 32-34 l/h et 135-140 kias pour une vitesse vraie autour de 170-175 kt . En atmosphère standard (1013 mb et 15 degrés Celsius au niveau de la mer), les volets de capot sont entièrement fermés.
Le pilotage est direct, avec un lacet inverse peu gênant et des forces de roulis quelque peu plus importantes qu’on ne pourrait s’attendre avec des ailerons si étroits, mais le manche latéral est très court. Le taux de roulis est satisfaisant et l’avion peut être dirigé avec seulement la gouverne de direction en air calme. La stabilité en air calme est bonne, dans les turbulences, les forces de roulis importantes sont fatigantes.
Je vole habituellement avec le pilote automatique couplé au GPS, il peut aussi être aussi couplé à l’un ou l’autre VOR. La ventilation est bonne et je n’ai jamais ressenti un inconfort dû à la chaleur malgré la verrière en bulle. Quand le trim de roulis est au neutre, d’habitude très peu de temps après le décollage, je sélectionne la commutation automatique de réservoir à carburant. Les deux réservoirs à carburant changent automatiquement toutes les sept minutes. Dans un environnement si automatisé, le défi principal est de rester en alerte.
Habituellement, je commence ma descente assez loin de la piste, réduisant la puissance à 20 in/1900 t/mn et descendant à 500 à 800 ft/ mn. À environ de trois nautiques, je coupe le commutateur automatique de réservoir de carburant, sors les volets de capot (en cas de remise de gaz) et  l’aérofrein (s’il n’est pas déjà sorti). À 100 kias ou moins, je sors le train d’atterrissage et 10 degrés de volet. L’aérofrein produit une variation de l’assiette vers le haut plus ou moins annulée par la variation d’assiette vers le bas dû au 1er cran de volet. La vitesse d’approche est autour de 75 kias, mais je compte sur  l’indicateur d’angle d’attaque plutôt que  sur le badin pour corriger mon assiette d’approche. En finale, je sors tous les  volets, la puissance d’admission est à environ 17-18 in sur plein riche. A 100 pieds, je réduis la puissance et commence à casser très sérieusement la vitesse, parce que l’avion aime planer. Je le tiens aussi longtemps que je peux dans l’effet de sol, le nez de l’avion restant assez haut, avec l’avertisseur de décrochage sonnant pendant les dernières secondes avant le toucher des roues, à peu près à 50 kias. Les efforts sur le manche sont légers pendant le toucher et l’atterrissage. Quand le train principal touche, je maintiens le manche en arrière pour retenir la roulette de nez le plus longtemps possible – avec un succès qui dépend du centrage. Une fois que la roulette de nez a touché, je freine fermement, les plaquettes de frein d’un centimètre d’épaisseur fournissent une bonne absorption d’énergie et la décélération est très rapide. L’avion s’arrête en moins de 200 mètres.
Donc voilà à son sujet, pour l’essentiel, à part son autonomie de vol de 5.000 km, il ressemble à n’importe quel avion ordinaire. »

Pour les spécifications du Melmoth 2 consultez  : http://www.melmoth2.com/texts/Specifications.htm