Il y a 50 ans, l’URSS lance le Spoutnik et la conquête spatiale
MOSCOU (AFP) — Le 4 octobre 1957, l’URSS envoie en orbite le premier satellite artificiel, le Spoutnik, ouvrant l’ère de la conquête spatiale et une course acharnée avec les Etats-Unis, empreinte d’idéologie.
« Avec ce lancement, l’ère spatiale a commencé », raconte le constructeur Boris Tchertok, un des créateurs des premières fusées soviétiques R7 qui permirent de mettre le Spoutnik en orbite.
A 95 ans, M. Tchertok, ancien adjoint du légendaire constructeur Sergueï Korolev, père du secteur spatial soviétique, se souvient de ce lancement comme si c’était hier.
Le Spoutnik, petite boule métallique de 83 kilos, a décollé à 02H28 avec une fusée R7, ancêtre du Soyouz, d’un pas de tir secret situé dans la steppe du Kazakhstan. De ce même site, baptisé Baïkonour, décollera le 12 avril 1961 le premier homme dans l’espace, Iouri Gagarine.
« Nous avons préparé le lancement du Spoutnik sans grand espoir. A l’époque, notre principal objectif était de mettre au point un missile de combat », confie M. Tchertok.
Trois accidents du missile R7 – qui sera ensuite transformé en fusée – ont précédé le vol du Spoutnik. Le 15 mai 1957, un premier missile prend feu au lancement. Un mois plus tard, un deuxième missile refuse de décoller. En juillet 1957, un troisième R7 décolle, mais retombe sur Terre.
Le 21 août 1957, enfin, un quatrième R7 atteint sa cible au Kamtchatka (Extrême-Orient russe) mais la tête du missile brûle.
Il faut au moins six mois pour créer une nouvelle tête de missile et Korolev propose en attendant de réaliser un autre projet, celui d’un premier satellite artificiel.
« D’autant plus que les Américains annonçaient qu’ils avaient eux aussi l’intention de lancer un satellite à l’occasion de l’année internationale de la géophysique en 1958 », explique M. Tchertok.
L’Académie soviétique des sciences était déjà en train de créer un appareil pour étudier l’atmosphère et l’espace, mais les scientifiques n’arrivaient pas à achever ce grand laboratoire volant.
« Korolev décide alors, avec le soutien du gouvernement, de fabriquer un satellite plus simple: deux hémisphères, un émetteur radio, des antennes et un système d’alimentation. Cela n’avait rien de difficile, le Spoutnik a été fait en un peu plus de deux mois, alors que la création de la fusée avait pris trois ans », relève M. Tchertok.
L’opération Spoutnik était initialement prévu le 6 octobre, raconte Gueorgui Gretchko, ancien ingénieur et cosmonaute âgé de 76 ans, qui a participé aux préparatifs du lancement.
« Mais nous avons appris que les Américains s’apprêtaient à présenter le 5 octobre, lors d’une conférence internationale, un rapport sur les satellites. Et s’ils préparaient un lancement à cette occasion? Nous en avons parlé à Korolev et il a accéléré les travaux. Nous ne voulions pas perdre la compétition », explique-t-il.
Le Spoutnik a été placé en orbite et commence à émettre son fameux « bip, bip ».
Mais le lendemain, le quotidien officiel Pravda y consacre seulementquelques lignes.
« A ce moment-là, nous n’avons pas compris l’importance de ce que nous avions fait, cela arrive souvent avec les grandes découvertes », confie M. Tchertok qui continue à enseigner et travaille comme consultant dans le principale société de construction spatiale russe RKK Energuia.
Les Etats-Unis en revanche ne s’y trompent pas et redoublent aussitôt d’efforts, d’autant que l’URSS lance un mois plus tard un deuxième Spoutnik avec à bord, autre sensation, un être vivant, la petite chienne Laïka.
La bataille culminera dans les années 60 avec les premiers vols habités et la conquête de la Lune. Aujourd’hui, quinze ans après la chute de l’URSS, la Russie marque le pas, faute de moyens financiers, et les ennemis d’hier se sont résolus à travailler ensemble dans l’espace.