C’est une figure de l’Armée de l’air, le tout dernier des « grands anciens » de la défunte base aérienne 112 de Reims qui vient de disparaître : Henri Wénisch, quatre-vingt-quinze ans, ancien du groupe de chasse I/5 de Reims, qui fut pendant la guerre le mécanicien personnel du commandant Marin la Meslée, l’un des plus glorieux as de la Seconde Guerre mondiale.
Henri Wénisch, né le 7 août 1917 à Bouguenais (Loire-Atlantique), était l’incarnation même de ce mécanicien complice du pilote de chasse, en charge de l’entretien méticuleux de son appareil. Humaniste, attachant, bienveillant, fidèle et dévoué, c’était aussi un homme à la mémoire prodigieuse, un grand témoin de l’histoire de l’Armée de l’air, où il était entré au milieu des années trente.
Photographie d’Henri Wénisch prise à l’école de Rochefort où il fut apprenti mécanicien de 1935 à 1936, avant d’être affecté sur la base aérienne 112 de Reims, au groupe de chasse I/5.

Affecté sur la base aérienne 112 en 1936, Henri Wénisch n’était alors qu’un simple soldat fraichement sorti de l’école des mécaniciens de l’Armée de l’air de Rochefort. Il n’allait cependant pas tarder à faire la connaissance de celui qui allait marquer sa vie et qu’il admirerait jusqu’à son dernier souffle : un pilote prodigieux, futur as des as de la campagne de France de 1939-1940 et parrain à partir de 1953 de la base aérienne 112, Edmond Marin la Meslée (1912-1945), qui devait totaliser seize victoires certaines et quatre probables.
Henri Wénisch deviendra l’un des meilleurs experts du Curtiss H-75, ce chasseur d’exception que les escadres de chasse rémoises, à partir du printemps 1939, furent à peu de choses près les seules à mettre en œuvre, notamment le groupe de chasse I/5 auquel appartenait Marin la Meslée. Un chasseur d’exception avec lequel s’illustrèrent douze des quinze meilleurs as de 1939-1940, et qu’Henri Wénisch eut le privilège de côtoyer, parmi lesquels le commandant Jacques-Louis Murtin, le capitaine Jean-Mary Accart, Camille Plubeau, Michel Dorance, son ami le Rémois François Warnier décédé en 2005… et tant d’autres !
Henri Wénisch photographié sur la BA 112 de Reims le 30 juin 2011, jour de sa dissolution.

Henri Wénich avait suivi le lieutenant Marin la Meslée en Afrique du Nord, le GC I/5 ayant été replié en Algérie puis au Maroc. Après l’opération Torch – le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 – une nouvelle page de l’histoire glorieuse du groupe de chasse devait être écrite. Mais en partie sans lui : « Marin » dut en effet se résoudre à l’été 1944 à se séparer d’Henri Wénisch, qui était monté en grade et ne pouvait être maintenu dans les effectifs de l’unité.

Lorsqu’il quitta l’Armée de l’air une quinzaine d’années plus tard, Henri Wénisch était adjudant-chef. Il ne tarda pas à ouvrir à Reims, en décembre 1960, un garage avec son ami Jean Prott et ils furent concessionnaires BMW.
L’une des dernières apparitions publiques d’Henri Wénisch : le 2 février 2012 à Reims, jour de l’inauguration d’une plaque à la mémoire du commandant marin la Meslée, pour le centenaire de sa naissance. À sa droite : Philippe Marin la Meslée, fils du commandant. À sa gauche : Jacques Cohen, adjoint au maire de Reims, et le lieutenant-colonel Jérôme Servat, commandant de l’organe liquidateur 112.

Très investi dans le tissu associatif, Henri Wénisch, membre notamment de l’ANSORAA, par ailleurs président d’honneur des anciens combattants de Tinqueux, était aussi artiste. Œuvrant au sein du groupe pictural de Champagne (dont il était le président d’honneur), il aimait peindre des aquarelles qui représentaient des combats aériens (mais aussi de beaux paysages). Il en avait offert plusieurs à sa création en 2002 au Musée de la BA 112 et de l’aéronautique locale, lieu de mémoire qui fonctionna jusqu’en 2011 et auquel il était extrêmement attaché, raison pour laquelle, jamais, il ne manqua la moindre édition des Journées européennes du Patrimoine pour y accueillir le public et présenter « sa » salle : celle consacrée à son as de héros. Un héros qu’il honorait chaque année, aux côtés du commandant de la BA 112, au pied de la stèle Marin la Meslée, à la date anniversaire de la disparition du parrain de cette base.

L’une des très nombreuses aquarelles peintes par Henri Wénisch, président d’honneur du groupe pictural de Champagne. Ici, évoluant à la verticale des hangars d’aviation de la défunte base aérienne 112 de Reims : les quatre Republic F-84 emmenés par le commandant Pierre Delachenal de la 3e escadre de chasse, fondateur à Reims en 1953 – il y a tout juste soixante ans – de la célèbre « Patrouille de France ».

Henri Wénisch, qui résidait à Tinqueux, ville de l’agglomération de Reims, était titulaire de plusieurs décorations, parmi lesquelles la médaille militaire, la médaille du combattant 1939-1945 et la médaille de l’Aéronautique. Ses obsèques ont étés célébrées le samedi 2 février en l’église Sainte-Bernadette de Tinqueux, à 10 heures.

Source : Frédéric Lafarge, ancien conservateur du Musée de la BA112 et de l’Aéronautique locale (Reims)