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Latécoère Cent ans de technologies aéronautiques

Cet ouvrage revient sur l’histoire de Latécoère, une histoire aux origines de l’aéronautique toulousaine. C’est en 1917 que Latécoère construit ses premiers avions, les Salmson, dans son usine de Montaudran. Depuis, la société participe à tous les grands défis aéronautiques : les lignes Latécoère qui engendreront l’Aéropostale de Mermoz et Saint-Exupéry, les premières traversées de l’Atlantique Sud, la construction d’hydravions géants, l’élaboration des premiers missiles français, l’électronique embarquée et les matériaux composites. Aujourd’hui, ce sous-traitant de premier rang travaille aussi bien pour Airbus que pour Boeing ou Dassault, employant plus de 4 300 personnes à travers le monde (Allemagne, Brésil, Maroc, Mexique, République Tchèque, Tunisie…), dont le tiers en France.

Pour raconter cette histoire, marquée par un goût de l’aventure et du défi technique, Jean-Marc Olivier en décrit les étapes successives. Dans un premier chapitre, il évoque l’entreprise familiale de 1917 à 1945. Du portrait de Pierre-Georges Latécoère aux premiers hydravions, il raconte les années glorieuses de la société. Il consacre le deuxième chapitre aux années 1945-1985, des années plus difficiles durant lesquelles Latécoère multiplie les expériences mais qui se clôturent par la fin de l’entreprise familiale. Le dernier chapitre (1985-2017) rappelle les années Junca, l’ascension de l’activité « systèmes d’interconnexion », les incertitudes face à la crise de l’aéronautique… jusqu’à nos jours marqués par de nouvelles ambitions avec une entreprise qui s’est internationalisée, structurée pour répondre aux enjeux de demain.

Aujourd’hui le groupe dirigé par une femme, Yannick Assouad, souhaite retrouver l’esprit Latécoère en promouvant trois valeurs historiques essentielles : l’audace, l’excellence et l’engagement.

Editions Privat : https://www.editions-privat.com/

Collection : Aviation
168 pages –24X30-Relié

32 € TTC
ISBN : 978-2-7089-9276-4


Et la ligne vivra ! – Latécoère 11 avril 1927

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« Dans cet ouvrage, l’auteur sonde l’âme d’un grand entrepreneur, d’un homme sans qui un des rêve de l’humanité n’aurait pas été, ou pas assez vite réalisé : celui de voler, de survoler les déserts et les mers pour rejoindre les confins de notre planète »

« Latécoère. Un nom qui désormais se trouve associé à un véritable mythe aéronautique, celui d’un ligne aérienne qui, selon les humeurs, les moments, ou les personnes, s’appelle « les Lignes Aériennes Latécoères », « l’Aéropostale' » ou tout simplement « la Ligne ». Destinée à relier la France à l’Amérique du Sud, elle donnera naissance à L’Aéropostale, puis à Air France.

L’ouvrage met en lumière Pierre-Georges Latécoère sans qui cette ligne n’aurait pas existé. Cet homme, d’une culture aussi grande que son audace d’ingénieur et d’industriel, s’efface pourtant dans la mémoire collective devant ceux qui lui doivent d’avoir participé à l’une de s plus extraordinaires aventures du XX° siècle : Mermoz, Saint-Exupéry, Daurat.

Avec cet ouvrage fictionnel qui imagine quelques heures qui précédèrent la cession de la Ligne, l’auteur tente de percer le secret, les motivations de cet étonnant ingénieur et entrepreneur épicurien, amoureux des belles femmes, des beaux livres et des belles demeures.

L’auteur : Jacques Arnoud

Passionné par la dimension humaine des aventures scientifiques et techniques, historien des sciences, il est chargé des questions éthiques au CNES. Il a publié plusieurs ouvrages sur la conquête de l’ espace (La seconde chance d’Icare, 2001; Une perle bleue, 2015; Demain l’espace, 2016)

Références du livre :

Titre : Et la ligne vivra ! Latécoère 11 avril 1927

Editeur : Editions PRIVAT

Collection : Aéronautique

Pages : 192

Prix : 11€

ISBN : 978-é-7089-9271-9


LATÉ 302 « Mouneyrès » en rade de Brest en mai 1938

Laté 302 « Mouneyrès » en rade de Brest 1938 ©Michel Quillien 
Mon ami Michel Quillien m’a fait parvenir ces photos originales d’un Hydravion prise en rade de Brest en 1938 en compagnie du contre-torpilleur « Le Terrible ». Avec l’aide des historiens d’Aéroforums (Lucien Morareau, Henri Marty et BS le pélican), nous somme arrivés à la conclusion qu’il s’agit du Laté 302 « Mouneyrès » (N°1023) alors basé à Lanvéoc-Poulmic sur la presqu’ile de Crozon. Celui ci faisait parti de l’escadrille d’exploration E4 qui regagna Lanvéoc-Poulmic en mai 1938 après un séjour à Berre et y demeura jusqu’en août 1939 où elle fut affectée à Dakar. Elle avait dans ses rangs, les Laté 302 « Guilbaud », « Cavelier de Cuverville » et « Mouneyrès » baptisés ainsi en l’honneur de  trois pilotes officiers de l’Aviation maritime disparus en mer (1). Malgré leur vétusté et l’usure prématuré de la toile des voilure due au climat et des coques qui avaient tendance à se couvrir de mollusques qui pénétraient les couches d’enduit et se fixaient directement sur la tôle d’aluminium, les trois Laté 302 continuèrent d’accomplir leur missions d’explorations à Dakar, effectuant chacun environ 1000 heures de vol  jusqu’en 1941 où ils furent réformés (le Cuverville en avril, le Guilbaud en juin et le Mouneyrès en novembre)
Laté 302 « Mouneyrès » derrière le contre-torpilleur « Le Terrible » ©Michel Quillien

Concernant la photo ci-dessus on peut en déduire les informations suivantes :

  • Le déploiement du pavillon de poupe indique une direction du vent qui peut avoir deux sens, mais dans les deux cas, il vient de tribord et même de tribord avant. On distingue un petit clapot, donc le vent est faible < 15 kts.
  • Le « flou » des hélices pourrait laisser penser que les moteurs tournent et que l’appareil avance, (ligne d’écume devant les nageoires), donc il n’est pas remorqué. La ligne claire partant du bas gauche de la photo et allant vers la poupe ne doit pas être une remorque, car la sécurité du personnel stationnant dans cette zone ne serait pas.
  • Tout l’équipage portent la coiffe bleue, les marins à pompon sont en bleu de chauffe et les gradés à casquette, en bleu de drap.
  • Dernière constatation sur la date, à partir du 1er mai, on arborait la coiffe blanche et on quittait le « jersey », les deux marins (André Quillien et Marcel Le Bars) à la poupe le portent encore, zone sombre à l’encolure. la photo a dû être prise en France et avant le 11 mai.
Laté 302 « Mouneyrès » aux abords du contre-torpilleur « Le Terrible » ©Michel Quillien

Caractéristiques générales du Latécoère 302 :

Hydravion sesquiplan quadrimoteur à coque méttalique
Envegure 44 m

Longueur : 26,15m
Hauteur : 7,98m
Motorisation : 4 x Hispano-Suiza 12 Ydrs.2 de 930 Ch
Hélices : Ratier tripale à pas variable en vol
Poids à vide : 13, 9 T
Poids max : 23, 7 T
Vitesse max en vol 235 km/h
Vitessse de Croisière : 160 Km/h
Rayon d’action : 3 100 km
Plafond pratique 3 500 m
temps de montée à 3 500 m : 45 minutes
Temps de décollage : 24 S
Équipage : 10
Armement : 4 bombes G2 (75Kg) ou 12 (150 Kg), 4/5 mitrailleuses Darne 7,5 mm(armement d’aile non monté)

(1) Le Lieutenant de Vaisseau Hervé Mouneyrès s’est perdu corps et bien au dessus de l’Atlantique Sud en tentant la traversée sur un Farman Goliath le  mai 1927.
Le Capitaine de Corvette René Guilbaud et son second, le Lieutenant de Vaisseau Albert Cavelier de Cuverville ont disparu le 18 juin 1928 à bord du Latham 47 qui se portait au secours du dirigeable italien « Italia » au pôle nord.

Sources des informations : 
Michel Quillien
Aéroforum : http://www.aerostories.org/~aeroforums/
Les Ailes Françaises : Les hydravions à coque 1ere partie
Poste des choufs : http://www.postedeschoufs.com/


Georges Rollin ingénieur de recherche et le Laté 631

Laté 631 ©Philippe Rollin

Un grand merci à Philippe ROLLIN qui nous  fait partager des extraits des mémoires de son père en tant qu’ingénieur aéronautique :

Georges ROLLIN (4 juillet 1915-13 juillet 2001) a fait toute sa carrière d’ingénieur dans l’aéronautique, depuis sa sortie de l’école en 1935 – période des balbutiements de la mesure – jusqu’à sa retraite en 1980.  C’est à l’ONERA qu’il a terminé sa vie professionnelle comme spécialiste des mesures, responsable des installations et équipements de l’Aérodynamique à CHALAIS MEUDON de 1972 à 1980.

En 1994, il a entrepris la rédaction des ses mémoires, s’étant mis à près de 80 ans à l’utilisation de l’ordinateur. Ces mémoires, terminés en 1998, comportent une part de souvenirs personnels, de commentaires sur l’évolution des techniques montrant son esprit toujours curieux mais logique et critique, et d’interrogations que se pose tout homme au terme de sa vie. Le texte est également émaillé d’anecdotes humoristiques. En voici un premier extrait qui se situe juste après guerre.

 

 

Georges Rollin

Le Latécoère 631 à Biscarrosse .
    Assemblage  et  mise  au  point  .

Juste avant la guerre, l’industrie aéronautique française a eu l’ambition de construire les plus gros hydravions : 6 moteurs , 50 m. d’envergure , 70 tonnes. La réalisation en a été confiée, d’une part à la SNCASO à Marignane et d’autre part à LATECOERE, dirigé par M. Moine.
Plusieurs prototypes ont été réalisés, mais, à la fin de la guerre il ne restait plus qu’un SO 200 à Marignane que les allemands ont enlevé et coulé dans le lac de Constance à Friedrichshafen, et le LATE 631 « Lionel de Marmier »(1) en construction à Toulouse d’où il a été transféré en pièces détachées, par la route, à Biscarrosse à la fin de la guerre .

Le G.R.A. (Groupement français pour le développement des Recherches Aéronautiques) a obtenu que nous participions aux vols de mise au point pour effectuer nos propres recherches. Ce travail m’a été confié et j’ai déplacé en permanence à Biscarrosse une équipe de trois techniciens pour effectuer les équipements nécessaires. Nous avons donc assisté à l’arrivée des différents éléments, ce qui représentait un certain nombre de convois hors normes, notamment la coque en plusieurs morceaux et les ailes pour lesquelles il fallait déplacer des lignes électriques et téléphoniques et élargir des ponts, et assisté également au montage dans le hangar des Hourtiquets .
Les éléments de la coque arrivant en premier devaient être assemblés sur un berceau avant que les ailes ne parviennent . Le hangar des Hourtiquets avait 100 m. d’ouverture face à l’étang, séparé en deux par un pylône limitant les ouvertures effectives à 50 m. Le « spécialiste » du montage fit installer la coque approximativement au milieu d’une des travées et la première aile (la droite) arrivée fut montée et assemblée, soutenue par des berceaux du côté libre du hangar,  si bien que lorsque la deuxième aile arriva, il fut impossible de la monter car elle aurait dépassé de 1,50 m. la paroi . Comme il était impossible de déplacer la coque et son unique aile en porte-à-faux , le chef décida de couper 2 m. de l’extrémité de l’aile, en se contentant d’envoyer au bureau d’études de Toulouse un télégramme: « Avons coupé 2 m. de l’aile gauche, prière d’envoyer plan de raccordement ». Ce qui a posé des problèmes notamment pour l’équilibrage. L’assemblage des éléments a finalement été achevé et l’avion, recentré dans le hangar, avait belle allure, mais un soi-disant responsable s’est quand même inquiété de l’allure avec laquelle ce travail avait été effectué, ce qui a fait découvrir que le riveteur, pour se faciliter le travail, n’avait pas utilisé les rivets prévus spécialement traités envoyés de Toulouse, mais avait préféré des rivets mous découverts par hasard dans un magasin local. Ces rivets n’ayant pas la résistance voulue, il n’y avait plus qu’une solution, les faire sauter à la perceuse et repartir à zéro. Les retards commençaient ainsi à s’accumuler .
C’est alors que commença le travail d’équipement intérieur et surtout l’équipement technique, c’est à dire les liaisons du poste de pilotage à tous les organes et principalement aux six moteurs.

Georges Rollin (3 ème en partant de la gauche) lors de l’installation de l’explorateur de couche limite. ©Philippe Rollin

Les nacelles  des moteurs et les moteurs eux-mêmes étaient accessibles par un tunnel formé par la paroi du bord d’attaque et le longeron de l’aile, un chariot sur rails était prévu pour le déplacement du personnel jusqu’au droit du troisième moteur et même au delà où la section était encore suffisante pour le passage d’un homme allongé et les bras en avant pour effectuer certains travaux ; c’est ce moyen que nous avons utilisé pour l’équipement en prises de pression vers l’extrémité de l’aile, grâce au dévouement d’un technicien longiligne spécialement entraîné. Il était relié par un câble au responsable de l’opération qui rappelait de toute urgence le chariot et son collègue en cas de nécessité.

Le fonctionnement et le contrôle des moteurs demandaient trois types d’équipements : un équipement tubulaire pour l’alimentation en carburant et le contrôle de certaines pressions, un équipement mécanique « commandes Jacoté » actionnant notamment les accélérateurs, un équipement électrique pour la commande et le contrôle de nombreuses fonctions ; d’où l’intervention de trois entreprises extérieures auprès desquelles  les marchés avaient été passés. Il était prévu par le Bureau d’études Latécoère que ces équipements soient fixés sur la face frontale du longeron avant de l’aile, ce qui laissait libre passage au chariot.

Les trois équipes d’installateurs se sont présentées les unes après les autres sans avoir de contacts entre elles et sans surveillance d’un responsable local. L’équipe d’électriciens fit aisément son travail, mais la seconde chargée du montage des commandes trouvant que l’emplacement occupé par les lignes électriques lui était préférable prit la liberté de les enlever pour s’installer à leur place.

La troisième équipe chargée des tubulures agissant de même, on ne s’aperçut du désastre qu’au moment où les mécaniciens de la base voulant démarrer les moteurs n’obtinrent aucune réaction . Le travail a donc été repris en exigeant la présence simultanée des trois équipes.

Comme les retards s’accumulaient, je ne venais personnellement à Biscarrosse que tous les quinze jours pour m’assurer de l’avancement du montage de nos équipements de mesure et limiter le nombre de techniciens au strict nécessaire. C’est alors que je m’aperçus que l’avion changeait de couleur à chacun de mes passages : blanc-bleu-vert-rouge-métallisé, puis de nouveau blanc…..Je me suis alors risqué, sur la pointe des pieds, à demander au responsable du chantier quand il serait fixé sur la couleur de l’appareil. Ma question le laissa perplexe, mais il se décida quand même à voir le peintre qui candidement lui fit remarquer qu’il était peintre et que son métier était de peindre. Comme il disposait de bidons de 200 litres de couleurs les plus variées, il en était à sa 7 ème couche, ce qui représentait en gros 700 kg de peinture, c’est à dire le poids d’une dizaine de passagers. Il reçut l’ordre de tout gratter et on ne laissa à sa disposition qu’un bidon de la couleur choisie.

Sonde de référence en bout d’aile du Laté 631 ©Philippe Rollin

La possibilité d’un premier vol est enfin apparue. De notre côté nos équipements étaient en place :
– Anémoclinomètre(2) sur une perche en bout d’aile,
– Ceinture de prises de pression à la paroi dans une section d’aile choisie pour sa pureté,
– Double peigne rotatif de sillage monté à l’extrémité d’un mât fixé sur l’extrados,
– Double grappin de prises de pression pour les mesures à différentes altitudes dans la couche limite, ce dispositif étant constitué de deux peignes de prises de pression fixés à l’extrémité d’un bras monté sur un chariot central parcourant le profil de l’aile dans une zone choisie.Ces dispositifs étaient motorisés et toutes les télécommandes ainsi que les informations électriques et pneumatiques étaient centralisées au poste de commande installé à l’intérieur de l’aile au voisinage de l’emplanture, ce qui donne une idée de la dimension de l’hydravion. Tous les enregistreurs photographiques étaient également concentrés à cet endroit relié téléphoniquement au poste du chef des opérations situé près du pilote ; ce qui permettait de déclencher les mesures  pour des configurations de vol choisies au départ.

Fonctionnant sur le 24 volts continu de bord, nos équipements furent rapidement accusés d’introduire des masses intempestives qui gênaient le pilotage. Aussi, pour couper court à toute contestation, j’ai installé une alimentation indépendante constituée par une génératrice 24 volts entraînée par un moteur 24 volts qui seul était en liaison avec le circuit de bord et donc facile à contrôler.

Toutes les pressions des différents peignes étaient mesurées en différentiel avec la pression statique  fournie par l’anémoclinomètre(2) préalablement taré. Désirant vérifier ce tarage par rapport à la pression statique vraie du lieu du vol, j’avais prévu de larguer sous l’avion une sonde : imaginez une bombe munie d’ailettes stabilisatrices, prolongée à l’avant par une sonde de pression statique et suspendue en son centre de gravité à un mât articulé relié à un câble associé à un tube de renvoi de la pression, câble commandé par un treuil. Cette sonde, au départ, était solidaire d’un mât berceau dépassant à l’extrémité de la queue  par l’écubier arrière. Malheureusement lorsque j’ai largué la sonde, elle fut prise dans le tourbillon des hélices, et la voyant décrire de grands cercles au voisinage de l’empennage et risquant de le percuter, j’ai cisaillé le câble libérant la sonde qui est allé se planter quelque part dans le terrain de Cazau que nous survolions. Je n’en ai jamais entendu parler…donc tout s’est bien passé .

Nous avons participé à tous les vols de mise au point. Je me tenais généralement dans le vaste salon derrière le poste à double commande de pilotage, salon largement vitré pour admirer le paysage dans tous les azimuts. Nous parcourions en général le littoral de l’Espagne à la Gironde à différentes altitudes, ce qui nous permettait de suivre le travail de déminage des plages, et nous avons terminé par un vol de longue durée (6 heures) au cours duquel j’ai pu admirer la Bretagne comme sur une carte Michelin à 3000 m. au dessus de Rennes.

Des incidents, nous en avons eu, j’en évoquerais deux :
Le premier fut une panne de servocommande, c’est à dire que tout l’effort de manœuvre du manche à balai et du palonnier est à la charge du pilote ; j’ai vu alors le pilote et le copilote crispés sur les commandes, la figure congestionnée et ruisselante de sueur, les muscles bandés jusqu’à l’amerrissage.
Le second a eu lieu lors d’un décollage raté à pleine charge où l’avion s’est trouvé au départ au 2ème régime, c’est dire très cabré et ne pouvant que péniblement prendre de la vitesse et de l’altitude. La dimension de l’étang étant réduite, il n’était pas question de virer et de se poser ; il fallait à tout prix atteindre la mer. Seulement entre l’étang et la mer il y a une dune boisée d’une certaine hauteur qu’il fallait franchir. J’ai vu alors le « magnifique » spectacle des sommets des pins s’écartant devant la coque  et se faisant déchiqueter par les hélices. L’océan a pu être atteint et le pilote a pu piquer et repasser au 1er régime.

Comme tout a une fin, lorsque la moisson de mesures a été jugée suffisante, nous avons abandonné les essais (le dernier vol ayant eu lieu le 31-01-1947) et, après avoir déséquipé l’hydravion, nous avons regagné Toulouse où nous attendait le transfert du G.R.A. à l’ONERA à Paris . C’est donc dans le cadre de l’ONERA que le dépouillement des enregistrements a été effectué.
Ces vols ont été très enrichissants pour toute mon équipe et pour moi-même et ont laissé  des souvenirs souvent évoqués . Malheureusement, quelque temps plus tard, à la suite d’un blocage de gouverne, ce bel avion s’est abîmé dans les flots avec tout l’équipage qui nous était cher, sauf  notre pilote appelé à d’autres fonctions dans la Marine .

Pourtant cet appareil était d’une robustesse à toute épreuve, quand on pense que sur l’exemplaire précédent, le pilote ayant demandé à un mécanicien de s’assurer de la réserve de carburant restant dans la soute, celui-ci a déboulonné le couvercle et allumé son briquet pour mieux voir le niveau : l’explosion qui s’ensuivit  détruisit tout l’aménagement intérieur et gonfla la coque…mais le pilote  réussit à amerrir.

Pour conclure sur une note plus gaie, je dois avouer que cet hydravion aux lignes magnifiques étudiées dans les moindres détails en soufflerie comportait un grosse erreur sur un point d’aérodynamique …..l’étude des W-C.. . Comme cet appareil était destiné à voler au dessus de l’eau et à une altitude de 3000 m. environ, il n’était  pas venu aux ingénieurs l’idée de procéder à la mise en réserve des produits récoltés dans ces W-C. comme on le fait actuellement sur les avions de ligne. Il était plus simple d’opérer une évacuation immédiate vers l’extérieur au delà du 2ème redan .
Le siège du cabinet comportait une ouverture circulaire confortable se prolongeant jusqu’à sa sortie de la coque par une tubulure conique d’un mètre de long environ, constituant sans le savoir une soufflerie du type vertical utilisée pour l’étude de la vrille des avions sur maquette en vol libre. Dans cette soufflerie, la vitesse de l’air dirigé de bas en haut diminue avec l’altitude, si bien que si la maquette descend dans le tube, elle rencontre un air à vitesse supérieure qui la ramène à la position d’équilibre initiale. Il en est de même dans la tubulure du W-C., la pression intérieure de la cabine inférieure à la pression atmosphérique extérieure provoque un écoulement vertical de bas en haut dont la vitesse est modulée par l’obstruction plus ou moins importante de l’orifice supérieur. Cette circulation d’air frais est d’ailleurs particulièrement appréciée en été. Vous apercevez donc que les produits déposés tombent jusqu’à une position d’équilibre dans le courant ascendant. Mais lorsque vous libérez l’orifice, l’appel d’air est tel que les produits sont violemment projetés vers le haut et vous atteignent en pleine « figure », ce qui est vraiment désagréable. Toutefois cet effet est variable car il dépend de la densité et de la fluidité des produits déposés.
Cette situation n’avait pas échappé à mes techniciens. L’un d’eux, particulièrement facétieux (il a même terminé sa carrière auprès de De Funès pour la mise au point de ses gags) avait mis au point une technique infaillible pour piéger le premier utilisateur venu ; en dégageant légèrement le couvercle de fermeture, il introduisait une certaine quantité de liquide, de l’eau propre en principe, qui restait alors en suspension. Le premier client soulevant brusquement le couvercle recevait cette eau  » en pleine poire ». Il ne restait plus qu’à attendre la fin des opérations pour  jouir discrètement de l’air ahuri de l’utilisateur piégé, se demandant comment les embruns de la mer survolée avaient pu parvenir jusqu’à lui….il aurait pu se rendre compte que l’eau reçue n’était pas salée.

(1) Le LATE 631 « Lionel de Marmier » n°2 immatriculé F-BANT  effectua son 1er vol le 19 mars 1945. Il est reçu par Air France fin juillet et débute sur la ligne de Dakar. Il part ensuite en Amérique du Sud où il fait des démonstrations de prestige. Le 31 octobre 1945, les pales d’une hélice se détachent et tuent 2 passagers en traversant le fuselage, l’appareil réussit à se poser et, et une fois réparé, regagne la France.
Suite à une demande faite au centre de documentation du musée de l »hydravion de Biscarosse concernant la date du ferraillage du Laté 631 n°2 immatriculé F-BANT, celui ci m’a fait parvenir un extrait d’un rapport de l’inspection générale de l’aviation civile daté du 13 avril 1959 faisant un état des lieux de l’hydrobase de Biscarrosse-Hourtiquets. Il y est fait mention de l’occupation d’un des hangars par un Laté 631 de France hydro. Il ne peut s’agir que du F-BANT qui devait être transformé en cargo comme le F-BDRE accidenté en 1955 au Cameroun.
C’est le seul document de leurs dossiers certifiant la présence de l’appareil aux Hourtiquets en 1959.
Un ancien du CEV ayant séjourné aux Hourtiquets au début du changement d’affectation du site pour le CEL se souvient très bien de la présence de l’appareil en 1963, ce qui serait confirmé par le registre de la DGAC qui indique que le « Lionel de Marmier » dernier survivant des 12 LATÉ 631 a été réformé le 30 octobre 1964.

Sonde de l’anémoclinomètre

(2) L’Anémoclinomètre est un appareillage de détermination des composantes du vecteur vent en un point d’un écoulement gazeux à partir de mesures de pression (statique et différentielles) effectuées par une sonde à tête sphérique (sphère  ou sonde cylindro- sphérique pour avion). Associé à un enregistreur rapide, ce dispositif permet d’analyser les turbulences et d’optimiser les profils aérodynamiques.

Pour compléter ce texte, je vous recommande ce diaporama très riche en image et qui résume l’histoire de cet hydravion géant « LATECOERE 631 Le géant des airs »
Vous pouvez voir les derniers vestiges (fauteuil, hublots, lavabo, hélices, etc) des LATE 631 au musée de l’hydraviation de Biscarosse .

Sources des informations :
Georges Rollin
Docavia n°34 « Latécoère, les avions et hydravions » de Jean Cuny :
Le Fana de l’Aviation « Laté 631 La malchance » n°393 août 2002 au n°397 décembre 2002
Association P.-G Latécoère : http://www.latecoere.com/
Pionnair-GE : http://www.pionnair-ge.com/spip1/spip.php?article61
Le musée de L’hydraviation : http://www.hydravions-biscarrosse.com/002-musee/musee-accueil.php


Mermoz et le LATÉ 25 F-AIEH en Argentine

LATE 25 F-AIEH du Musée National de l’Aéronautique à Moron en Argentine ©Serge Delabarde
Je remercie Serge Delabarde (http://terra-incognita.over-blog.fr/) de m’avoir envoyé la photo de ce Laté 25 F-AIEH (cn603) exposé au « Muséo Nacional de Aéronautica » à Moron près de Buenos Aires  qui reste le seul exemplaire de Laté 25 existant au monde, restauré grâce à la volonté de passionnés argentins. Le Laté 25 est un Monoplan à aile parasol pourvu d’une cabine fermée pour 4 passagers et d’un poste de pilotage torpédo, il a été construit à 61 exemplaires, dont 16 machines ont été acquises par l’Argentine et 4 par le Brésil. C’est un des avions mythiques de la Ligne et certainement celui qui symbolise le plus la partie sud-américaine. Mis en service de 1927 à 1929, il contribua au succès de l’Aéropostale grâce à sa robustesse qui le rendit fiable et résistant à des conditions extrêmes. À la fin de l’aventure de la ligne, le gouvernement argentin racheta la plupart de ceux en service et continua à les exploiter jusqu’en 1939.
C’est avec cet avion   que Jean Mermoz et son mécanicien Alexandre Collenot durent se poser en catastrophe sur un plateau à 4200 mètres dans la cordillère des Andes en voulant explorer la route du nord par Copiapo entre Santiago du Chili et Buenos Aires en Argentine. Mermoz et Collenot décollent de Santiago et cherchent un passage dans cette barrière montagneuse. L’avion plafonne à 4200 mètres,  alors que les cols les plus accessibles sont au minimum à 4500 mètres. Mermoz finit par trouver un courant ascendant le long des parois qui aspire littéralement le Laté 25, lui permettant de passer un col à 4500 m, mais il rencontre des forts vents rabattant sur l’autre versant. Le moteur à plein régime est insuffisant pour contrer ces courants violents, rapidement, il repère une plate-forme couverte de neige, coupe le contact, cabre son appareil au niveau du sol qui s’immobilise entre des pierres après de multiples chocs. L’avion est assez abîmé et devant l’importance des dégâts qui semblent à première vue irréparables, train d’atterrissage faussé, un pneu éclaté, la béquille de queue arrachée, des longerons brisés, Mermoz et Collenot tentent de rejoindre la vallée à pied. Devant les difficultés de la marche à entreprendre, ils renoncent et reviennent à l’avion pour tenter les réparations. Voici le récit fait par Mermoz: « trois jours et deux nuits à 4000 m d’altitude par 16 à 26 degrés sous zéro, mourants de faim (mon mécano ayant oublié les vivres de réserve), réparant notre train d’atterrissage très légèrement affaissé d’un côté et notre empennage un peu arraché sur un rebord de rochers. Conduites d’eau éclatées par le froid. Réparations faites avec du chatterton, des bandes de toile et de l’émaillite. Décollage après 3 km de bonds par dessus trois ravins. Plafond de l’appareil maximum 4500 m. Régime plein moteur 1580 tours soit 330 CV. J’avais repéré à l’avance les endroits où je devais toucher les roues pour faire les bonds prévus. Tout s’est bien passé et lh40 après j’atterrissais à Copiapo, mon point de départ.
Trois jours après, je repartais pour Santiago puis, franchissant la Cordillère, je ramenais l’appareil à son point de départ… « 

Sources des informations :